J'ai commencé à m'intéresser à l'adaptation de la selle au cheval en achetant un poney "hors normes", voilà 10 ans de ça (ça nous rajeunit pas).
Mais j'étais déjà passionnée par la question de posture du cavalier et l'impact de la selle sur celle-ci, ayant découvert lors d'un stage de perfectionnement à l'ENE en 2006 la selle de dressage (révélation pour moi, la Normande ne connaissant que les selles d'obstacle) et, surtout, le fameux simulateur Percival. Une initiation au travail postural sous la direction un écuyer du Cadre, avec devant les yeux l'image en temps réel d'une caméra me filmant de profil sur le simulateur, a complètement changé toute ma perception de ce que je pensais faire et être à cheval. Je n'ai jamais eu de cesse de chercher à comprendre comment fonctionne un cavalier depuis lors, multipliant les expériences et les rencontres, testant différentes méthodes...
 
Cette recherche déjà bien avancée en 2012 m'a donné un avantage certain lorsque j'ai commencé le conseil en ergonomie de la selle, et m'a permis de mettre le doigt sur pas mal de détails trop souvent négligés car ignorés par de nombreux professionnels. J'ai compris la nécessaire complémentarité du travail entre ostéopathe, posturologue, kinésithérapeute, coach sportif et enseignant d'équitation ; car le cavalier ne peut être considéré comme sportif tant qu'il ne considère pas lui-même son propre corps (cf lien du blog Equisense que j'ai posté il y a quelques jours). Bien entendu, les ronchons me diraient qu'avant, on n'avait pas besoin de tout ça ; oui mais avant, on croyait aussi que la Terre était plate et les femmes n'avaient pas le droit de vote. Et je ne dis pas que tous les cavaliers ont besoin de toute cette armada de spécialistes ; il faut simplement savoir recommander le bon spécialiste au bon moment et à la bonne personne, c'est tout.
 
Bref, là n'est pas la question ; en ce qui me concerne, à cheval, j'ai toujours eu un problème pour changer de pied de droite à gauche, et même pour tous les déplacements latéraux dans le même sens c'est jamais sensass. Mon bassin bloque. Ca n'est pas faute de suivi ostéopathique ou de ne pas faire de sport complémentaire, mais ce sentiment d'échec est vraiment pénible et frustrant et les choses n'avancent pas. Donc j'ai fini par suivre le conseil que je donne à tant de personnes : je suis allée faire un bilan postural dans un cabinet de podologie spécialisé dans l'accompagnement des sportifs. Et j'en suis ressortie en me demandant ce que j'avais fichu toutes ces années, à ne pas y aller!!! Dans la famille du "faites ce que je dis et pas ce que je fais" ...
Attention moment de dévoilement intime : voilà ma fiche bilan.

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J'ai 60% de mon poids à droite, une très mauvaise répartition du poids car une surface d'appui au sol trop petite (j'ai les pieds creux), avec une instabilité des appuis antérieurs lors du déroulé du pied, et toute la charge sur mon talon droit. Ceci est en partie un phénomène de compensation d'une entorse mal soignée de ma cheville gauche, en 2002, dont la flexion / extension est limitée ; et la raideur se répercute dans toutes les articulations de la jambe jusqu'à la sacro-iliaque. En outre, j'ai des aplombs très moyens et l'instabilité de mes appuis au sol entraîne une antéversion importante de mon bassin. En résumé: il me faut des semelles orthopédiques. Ce fut chose faite, dans l'heure qui suivit, car le cabinet est équipé d'un atelier de fabrication. Petit moulage des pieds, pose de points de stimulation propriocepteurs, hop hop hop, emballé c'est collé. Du moment où j'ai chaussé mes bottines équipées des semelles, j'ai senti mes aplombs se transformer : des tensions, dont je n'avais même plus conscience qu'elles étaient là, se sont relâchées instantanément. Incroyable. En rentrant à la maison, mon compagnon m'a regardée marcher et m'a dit que j'avais arrêté de billarder comme un mauvais PRE, et qu'on allait peut-être pouvoir faire quelque chose de moi.

Je n'ai pas encore monté à cheval avec, car la modification posturale n'est JAMAIS quelque chose à prendre à la légère ; les muscles profonds ont besoin de temps pour s'adapter à un nouveau fonctionnement, et les podologues ont bien recommandé de porter les semelles 1/2 journée la première semaine, toute la journée la 2e semaine, et ne commencer le sport qu'au bout de 15 jours avec (et ça fait 8 jours seulement). D'ailleurs je pourrais faire un parallèle avec les quelques idiot(e)s à qui j'avais fait la même recommandation au moment du changement de selle, et qui se sont enquillé(e)s des sorties à 40 bornes le lendemain de l'ouvertue du carton, avec pour résultat des chevaux qui subissaient une transformation telle que la selle ne fonctionnait plus jamais par la suite. Normal : le corps a été choqué par l'introduction d'un nouveau matériel, utilisé à la trinque-gnôle, et le cheval associe le moment désagréable à l'outil. On le dit au sujet des mors de bride ou des éperons, mais on peut le dire là aussi : ça n'est pas l'outil qui est vilan, c'est l'usage que l'on en fait! A bon entendeur...

Bref : dans la mesure où l'équitation devient un sport de précision, où l'on mesure plus exactement l'impact que l'on a sur nos chevaux, où l'on avance dans nos connaissances biomécaniques, je ne peux que conseiller à tout un chacun de faire ce genre de bilan. De réaliser que je demandais à mon cheval de s'équilibrer latéralement entre gauche et droite en portant un boulet déséquilibré à droite, ça m'a moyen plu et surtout, m'a fait relativiser énormément de choses que je lui imputais comme difficiles. De fait je ne peux même pas dire que c'est fondamentalement de ma faute, au sens où je n'avais pas conscience de cela. Mais c'est de mon fait, ça c'est certain. J'ai eu l'occasion la semaine passée d'observer, en compagnie de Lydie Karoutchi, quelques mesures de tensions relevées dans les rênes : c'est pareil! on ne réalise pas à quel point nos propres dissymétries renforcent celles du cheval. Les disciplines paramédicales nous offrent la possibilité de nous rééquilibrer et de nous simplifier la vie (et par là-même, celle de nos montures) : pourquoi s'en priver???

EDIT : depuis cet article en 2018, je monte TOUJOURS avec mes semelles de posture. Je suis désormais incapable de m'en passer. Quand je ne les ai pas, je me sens pencher à droite, alors que depuis que je les porte : je SUIS droite. Mes hanches fonctionnent différemment, et mes chevaux ont beaucoup moins tendance à tomber à droite. Ca n'empêche pas de devoir faire des régulations posturales régulières, mais ça n'a plus rien à voir. Alors pitié : allez vous faire voir ;-) (oui c'est dit avec classe et élégance, comme d'hab)

Bisous!

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