Il y a longtemps de ça, j'avais parlé rapidement des matériaux utilisés dans le rembourrage des matelassures. C'était début 2012 ; autant dire que depuis, j'ai eu l'occasion de faire mes tests et de découvrir ce qui me parlait vraiment à l'usage tant personnellement que pour mes clients équins (ma recherche = des chevaux déliés, qui passent leur propulsion par le dos, et qui portent leur cavalier dans l'idée de la Durchlässigkeit allemande, qu'on pourrait traduire par "un cheval franchi").

Je sais maintenant que :
- je n'aime pas particulièrement la mousse et matériaux similaires, je ne me sens pas à l'aise pour travailler ce matériau efficacement et je ne trouve pas les résultats fantastiques (c'est mon point de vue)
- que le système Cair n'est pas agréable pour les cavaliers si les chevaux ont beaucoup de rebond mais qu'il est très "pardonnant" dans la répartition des pressions et relativement stable dans le temps (testé et approuvé) ; le Flair je n'ai pas essayé mais je n'aime pas le principe sur le papier (pur préjugé, j'en conviens)
- de bonnes matelassures laine, ça, ça me parle personnellement comme professionnellement. Je comprends pourquoi la majorité des grands selliers classiques, hors Français, l'emploient toujours! C'est souple et respirant, ça s'adapte et s'équilibre précisément ; bon, quand les panneaux n'ont pas pile la bonne forme sur des chevaux trop gros c'est pas stable, mais depuis 2 ans, je ne vois presque plus ce genre de chevaux donc problème réglé \o/

Alors, pourquoi je vous parle de ça? parce que je suis tombée sur une série d'articles, écrits par CJ Millar (cavalière de complet américaine) pour le site EventingNation en 2016, et que traduire de (bons) écrits est beaucoup plus simple que de sortir un article de zéro par ma pomme #paresse. Le tout avec un petit côté  anecdote "vis ma vie"- témoignage d'utilisateur qui est toujours drôlement plus sympa que de se tarter des kilomètres de jargon professionnel - bref ça me paraissait plus intéressant et pédagogique, tout en allant dans le sens de ma pensée, tant qu'à faire.

PART.1 : la recherche sans fin de la selle parfaite

J'ai toujours joué pour l'équipe "mousse", de par les nombreuses selles utilisées et les nombreux chevaux montés au fil de ma vie de cavalière. Depuis mes 21 ans, fraîchement diplômée d l'université, et jusqu'à mes 39 printemps actuels, j'ai eu toujours eu en ma garde entre 2 et 9 chevaux (oui, je sais, j'ai un problème). Avec autant de montures, je ne pouvais bien évidemment pas me payer une selle par cheval! Or les panneaux en mousse semblaient offrir ce qu'il me fallait : quelque chose qui va globalement à tous les chevaux, de l'AQPS insellable au Quarter Horse trapu et musclé, en passant par une sélection variée de chevaux de sport au sang plus ou moins bleu. 

Enfin, c'est ce que je croyais. 

Tout a commencé quand, juste après la fac, j'ai acquis mon deuxième cheval, un AQPS avec un très haut garrot qui n'avait rien à voir avec le quarter horse de mon enfance. Aucune chance qu'ils puissent être habillés de la même façon! Après avoir envoyé par fax des tracés relevés sur le dos de mon cheval et appelé des fabricants de selles un peu partout dans le monde (on était en 1998, Internet n'en était qu'à ses premiers balbutiements), j'ai opté pour le meilleur compromis dans mon budget qui me paraissait pouvoir marcher pour mes deux chevaux : une selle équipée d'un système d'arcades interchangeables et de matelassures remplies d'air. Je me sentais à la pointe de la technologie : modifier soi-même l'ouverture de garrot d'une selle avec des matelassures à air qui restaient adaptables à plusieurs chevaux, c'était tellement cool! Et plus les années ont passé, plus j'ai réalisé que ces super-panneaux n'étaient pas si fous, que ces arcades en métal créaient plus de problèmes que ce que j'aurais pu penser. Est alors venu l'âge de la maturité, et j'ai cassé ma tirelire pour le grand investissement : une selle française sur mesures. 

J'étais toute excitée, à la fois nerveuse et hyper contente (je n'avais jamais claqué plus de $1500 dans une selle avant ça!) Quand j'ai essayé les selles, j'ai découvert une solution qui fonctionnait pour mes chevaux de l'époque (le troupeau s'élevait à 5 têtes à ce moment-là), mais qui prenanit aussi en compte ma jambe très bizarre. Vous voyez, j'ai un fémur exagérément long, un mollet ridiculement petit, et moi-même je ne mesure que 1m60, ce qui veut dire que j'ai besoin de quartiers courts avec beaucoup de projection et des étrivières taille enfant. Trouver une selle "prêt-à-porter" qui corresponde à ces besoins était impossible. A l'époque, j'ai commencé les épreuves de hunter et la chasse à courre de façon occasionnelle, et je me suis rendue compte qu'un quartier standard ne me rendait pas justice - pas plus qu'au dos de mon pauvre cheval - dans la mesure où si je voulais garder ma jambe à l'intérieur du quartier, mes fesses en sortaient. Donc, j'ai passé commande, j'ai attendu... et le jour est finalement venu où "elle" est arrivée! Mon cheval de tête, le plus délicat, m'a immédiatement éjectée, puis après un moment de réflexion, a finalement décidé que c'était bon pour lui. Ma jambe était parfaitement soutenue. Et pendant les années qui ont suivi, j'ai monté sur mon petit nuage. J'ai même écrit un article sur les raisons pour lesquelles j'étais plutôt #TeamMousse que #TeamLaine, publié dans la revue Plaid Horse, et je jurais à l'époque que j'y serais fidèle à vie.

Jusqu'à maintenant.

Tyler-GP

Presque 4 ans plus tard, mon cheval que j'ai sorti en concours complet et de saut d'obstacles à niveau international est de retour à son plus haut niveau après deux ans de bataille contre la maladie de Lyme. Après des traitements à n'en plus finir, les analyses sont enfin négatives ; son alimentation a été ajustée au plus précis avec des compléments, et voilà! il bouge de nouveau comme avant - il a même sauté une barrière de 1m20 juste pour pouvoir aller brouter de l'autre côté. Nous nous sommes donc remis au travail, mais seulement, quoi que je fasse en selle, je n'arrivais pas à le faire bouger comme à la longe. Et puis ça m'a sauté à la figure ; oh non! il était mieux à cru... J'ai récupéré ma vieille selle à panneaux remplis d'air, et il était encore mieux sous celle-ci, s'offrant même le luxe d'un changement de pied en l'air au dessus d'un cavaletti de 60 cm juste pour le style. Flûte... en comparant mes deux selles côte à côte, j'ai remarqué que les matelassures en mousse s'étaient nettement durcies avec le temps, alors que l'air restait plus souple et moelleux. Allez, retour à la case départ. 

J'ai donc repris ma réflexion sur les panneaux, une fois de plus. J'ai lu que la mousse ne vieillissait pas forcément bien, perdant sa souplesse. Et qu'en plus, elle ne laissait pas respirer la peau et les muscles, et surchauffait le dos. J'ai aussi appris que faire changer ce type de matelassures ne coûtait pas moins de $500, et que ma selle allait rester immobilisée plusieurs semaines (oups). Et j'ai commencé à m'intéresser aux panneaux laine, parce que je savais, pour l'avoir expérimenté, que les panneaux air étaient trop "rebondissants" pour le saut d'obstacle ou la chasse à courre. 

Après m'être renseignée activement sur les réseaux sociaux, et avoir été poussée aux fesses par quelques amies montant à haut niveau [...], j'ai planifié un RDV avec la représentante locale de County Saddlery pour revisiter ce concept de #TeamLaine. Le fitting a lieu demain, on verra ce que ça donne... En tout cas ça promet beaucoup d'informations et de sensations, comme nous avons 5 chevaux à voir et de nombreuses selles à comparer. Restez connecté pour connaître la suite! 

***

PART. 2 : Et le vainqueur est... 

#TeamLaine, sans contestation.

Au cas où vous seriez nouveau dans l'histoire, tout a commencé quand mon (maintenant retraité) cheval d'international a commencé à refuser d'aller de l'avant sous la selle, et j'ai décidé de tester plusieurs solutions d'adaptation - ce qui a lancé cette série #TeamLaine VS #TeamMousse. La sellerie County a été d'une grande aide dans cette recherche en me fournissant un million (OK, en fait une vingtaine, mais à tester j'avais la sensation d'un million) de selles à essayer sur mes différents chevaux. Avec l'aide de la saddle fitter Allison Meyer, nous avons passé une journée entière à tester toutes ces selles, les unes après les autres, sur mes 5 chevaux.

[le récit complet est ici ; je n'en poste ci-desous qu'un extrait, qui va dans le sens de mon article, mais l'intégralité n'a pas vraiment sa place dans le sujet du jour parce qu'elle parle des différents modèles de selles et des réactions de ses chevaux en fonction des arçons et tout ; vous pouvez toujours le lire en anglais si ça vous branche ;-) ]  

"Dans le passé, on m'a toujours dit que le problème avec les selles à panneaux laine, c'est qu'elles se conformaient au dos d'un seul cheval ; et que du coup, si vous vouliez utiliser une seule selle sur plusieurs chevaux, il fallait partir de la mesure du cheval le plus large pour l'ouverture de garrot et de panneaux en mousse qui se déformeraient moins que la laine, tout en offrant la protection nécessaire à l'absorbtion des chocs pour le dos des chevaux. Cependant, les problèmes que j'ai rencontrés sont dus au fait que les panneaux en mousse de ma selle française adorée ne fonctionnaient sur aucune de mes chevaux, et j'étais vraiment perdue quant à la solution à apporter. Moi, j'y suis vraiment très bien, mais au mieux, mes chevaux bougent pas trop mal ; au pire, mes chevaux les plus compliqués à seller ne bougent pas du tout et refusent complètement le travail. Tyler, mon cheval d'international, en a été l'exemple absolu : en longe, il bouge super bien, mais sous la selle selle, même avec éperons et cravache, il ne trotte même pas! Or, une selle qui ne fonctionne vraiment pour aucun de mes chevaux, ça n'est pas très intéressant, d'où ma démarche et mes essais avec County".

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Après avoir, grâce aux essais, réduit les possibilités aux solutions qui pouvaient fonctionner, j'ai fait venir une ostéopathe pour être certaine que les chevaux aillent bien, puis j'ai profité d'un clinic sur le saddle fitting pour mettre à l'épreuvre mes théories. J'ai emmené avec moi les trois selles (mousse, air, laine), toutes avec des arçons de formes similaires et d'ouvertures identiques, afin de voir VRAIMENT ce que les chevaux préféraient (les miens comme les autres de la démo). Voilà ce que j'ai expérimenté ...

Alors que j'étais sur la route de la Virginie pour le concours Great Meadow International, j'ai contacté des amis qui possèdent un centre équestre à environ une heure du concours pour organiser avec eux un stage de saddle fitting et tester mes théories sur leurs chevaux. La saddle fitter Ann Mary Bettenson a très gentiment accepté de venir animer le stage et partager ses connaissances pour notre petit groupe. Nos trois selles étaient prêtes pour les tests, le clinic prévu un jeudi après-midi. Ann Mary a commencé par nous montrer les différences de conception entre les trois selles, et Breezy, une gentille QH, est restée sagement à l'attache afin qu'on puisse comparer les différentes selles sur son dos. Puis l'heure est venue de se mettre à cheval. Heureusement, malgré une chaleur écrasante, le grand manège nous a permis de tester convenablement les selles et de confronter théorie et pratique.

Les panneaux remplis d'air sont supposés ne jamais réellement se conformer à aucun dos, et être suffisamment résilient pour s'adapter à plusieurs chevaux ; mais ils sont connus pour être "rebondissants" (et certains chevaux ne les aiment vraiment pas). Les panneaux mousse sont réputés être valables pour les cavaliers qui montent plusieurs chevaux avec une seule selle - comme moi, d'où mon achat - puisqu'ils ne s'adaptent à aucun cheval en particulier. Et les panneaux laine offrent l'adaptation la plus fine, mais nécessitent d'être entretenus plus régulièrement. 

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Breezy m'a été attribuée comme monture-test, ce qui était intéressant car nous ne connaissions pas ; d'autant plus qu'elle n'était pas dressée en classique, et n'avait a priori pas été montée avec une selle anglaise. On a commencé avec la selle "air" ; elle n'avait pas l'air mécontente avec. Bon, elle n'a pas compris mes aides pour le départ au galop et a pris le mauvais pied, donc j'ai repensé à ce que j'avais appris lors de mes quelques cours de reining datant d'années auparavant, et elle a tout de suite compris, galopant joyeusement. Puis nous l'avons équipée de la selle "mousse". Elle s'est montrée un peu agitée au sellage, mais j'ai mis ça sur le compte de la chaleur (il faisait plus de 30° à l'ombre) et sur le fait qu'elle commençait peut-être à s'impatienter, comme elle avait attendu à l'attache et tout. Enfin, quand je me suis mise en selle, j'ai compris. Son pas était étriqué, son expression faciale légèrement crispée. Son trot était haché, demandait à être plus soutenu que lors du premier essai. Et quand j'ai demandé le galop, elle a couché les oreilles, fouaillé de la queue, galopé très saccadé sur 3 foulées et s'est arrêtée net. J'ai redemandé et elle m'a clairement dit niet. Ne voulant pas particulièrement me faire débarquer par un cheval apparemment pourtant très gentil et patient, je l'ai caressée et suis retournée au montoir pour le troisième essai. La selle "laine" (la même County que je me trimballe depuis 2 semaines un peu partout) a donc été la dernière a être testée. Breezy est restée calme au sellage, et sous la selle, son pas était similaire au pas qu'elle avait avec la selle "air". Son trot était fluide et allant. Puis j'ai demandé le galop. J'ai placé mes aides, et elle a donné une transition montante magnifique, les oreilles en avant. Alors que nous suivions la pite, elle a d'elle-même commencé à tendre ses rênes, monter son dos et relâcher sa mâchoire. Pour un cheval qui n'était pas mis à l'équitation classique (étant cheval de western), c'était quand même clairement un signe qu'elle était super à l'aise sous cette selle. Wow!

[...]

Après le concours, je suis rentrée chez moi. La seule pièce manquante au puzzle, c'était mon Tyler, le cheval par qui tout était arrivé. Je n'ai pas eu de "a-ha!" avec lui lors des essais, et la visite de l'ostéo a révélé qu'il était très douloureux au niveau de la cage thoracique, donc qu'il avait besoin de repos après son traitement. J'ai sorti la County d'essai que la sellerie m'avait prêtée et, après l'avoir posée nue sur son dos, j'ai opté pour l'emploi d'un correcteur Mattes avec quelques cales, l'ouverture de l'arçon étant un peu grande pour lui. Bon point pour la selle : Tyler n'a pas cherché à me tuer alors que je le préparais à l'attache - un vrai progrès! Une fois en carrière, il a commencé comme d'habitude à son allure de limace ; mais sans avoir besoin de l'intervention particulière de la jambe (pour une fois je n'avais pas mis d'éperons), il s'est détendu tout seul dans son pas. Son trot a été immédiatement plus en avant que jamais auparavant, et le galop... eh bien c'était un vrai galop! Plein d'impulsion, les oreilles pointées, aucun coup de dos ou de cul! On s'est même amusé à sauter quelques petits obstacles, des changements de pied qu'il a proposés tout seul, et on a fini sur un allongement génial tout autour de la carrière. En plusieurs années avec ce cheval, c'est la première fois que je l'ai eu content et en avant comme ça. Yay!!!

Voilà donc ce que j'ai compris : 

  1. Une laine de haute qualité a une grande résilience et peut être retravaillée aussi souvent que nécessaire pour accommoder des chevaux différents, ou les évolutions d'un seul cheval
  2. Le rembourrage de la laine est bien plus abordable que de modifier des panneaux mousse (aux USA, de $50 pour un petit ajustement et jusqu'à $300 s'il faut tout refaire - les tarifs sont similaires en France et en €). Pour les petits ajustements, cela peut même se faire directement à votre écurie, donc pas de problème de selle bloquée en atelier pendant plusieurs semaines!
  3. Les panneaux air sont OK pour la plupart des chevaux sur le plat, à l'obstacle un peu moins (surtout sur de gros sauts), et ne sont pas particulièrement mauvais pour les chevaux. 
  4. La mousse risque de durcir très vite dans le temps, et causer des problèmes de dos même quand la selle, analysée en statique et depuis le sol, a l'air de convenir. 
  5. [... ça concerne County donc pas nous]
  6. Et j'ai vraiment besoin de deux modèles différents, avec des ouvertures d'arçon différentes pour mes chevaux. Les matelassures ne font pas tout, loin de là!

Et voilà comment j'ai tourné casaque. Mille mercis aux professionnels qui m'ont accompagnée dans cette remise en question!

***

En conclusion, ce que moi, Eugénie, peux ajouter à son expérience, c'est que c'est une expérience que j'ai souvent accompagnée. Naturellement on trouvera toujours des exceptions, des chevaux pour qui la mousse fonctionne mieux, un système Cair (c'est ce dont parle CJ dans ses articles) qui est plus simple d'utilisation pour telle ou telle situation, ce genre de choses. Le constat a cependant été souvent unanime, tant dans l'observation extérieure que du ressenti du cavalier : les chevaux se délient mieux sous des matelassures laine, et sont plus en avant. Particulièrement ceux qui ont un dos étroit et anguleux, un processus épineux et ressorti, ou des tissus sensibles quand ils sont proches du sang.

Enfin, la remarque n°6 de la cavalière est la plus importante de toutes : si l'arçon n'est pas adapté, alors la selle ne sera pas adaptée. Si un sellier vous dit que les mesures de l'arçon on s'en fiche, et que ce sont les matelassures qui font le travail : permettez-moi de vous dire que cette personne ne connaît pas son métier. 

Merci de votre lecture et à bientôt!