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Si vous en arrivez à ce message, c'est que vous avez tout bien lu les articles de Kitt et Jen. Bravo.
Si vous ne l'avez pas fait, retournez-y, bande de vilains! Elles ont à peu près tout dit, sur les risques divers et variés qu'on encourt à acheter des selles sur le marché de l'occasion ; tant d'un point de vue matériel que d'un point de vue financier. Pour autant, j'ai deux trois conseils à vous prodiguer en plus... Comme j'ai une véritable affection pour les antiquités que j'aime bien retaper et remettre en service, j'ai pu comprendre pas mal de trucs sur le fonctionnement des selles d'occasion.

1. Le syndrome de la chaussure d'autrui.

Prenez Mireille et Claudie. Toutes deux chaussent du 39, avec un pied de conformation relativement similaire : fin à coup-de-pied prononcé, disons. Toutes deux achètent la même paire de Stan Smith. Quelques mois plus tard, à l'issue d'une soirée bien arrosée où elles portaient toutes les deux les dites tennis et où elles finissent pieds nus, elles échangent de chaussures sans faire exprès. Devinez ce qui se passe alors? Ben oui. Elles se sentent mal dans leurs baskets. Pourtant, c'est le même modèle, la même pointure, la même conformation de pied. MAIS il y a fort à parier que leurs postures sont différentes, de même que leur démarche. Les points d'appui se sont exercés à des endroits différents des semelles, qui ne se sont donc pas usées de la même façon. Et le fait de porter les chaussures de quelqu'un qui ne se tient pas comme vous et qui ne marche pas comme vous, c'est pas toujours agréable. 

J'ai pu constater que la même chose se produisait assez souvent au niveau des selles (comme ça m'arrive de revendre des occasions). A modèle égal, les chevaux comme les cavaliers travaillent leurs selles très différemment les uns des autres, et parfois, si on se sent bien dans une selle neuve ou "cassée" d'une certaine façon, on se sentira mal dans le même modèle s'il a été monté par un cavalier qui l'a utilisé différemment. Certaines selles prennent "le pli" plus facilement que d'autres : on "casse" plus facilement à son cul un arçon en bois lamellé-collé qu'un arçon composite moulé d'un bloc. Genre, une Wintec, ça se "casse" beaucoup moins qu'une Butet par exemple.

Ce qui me donne l'occasion de revenir sur ce truc de "faut casser une selle neuve". La réponse est "ça dépend". Ca dépend de l'arçon et des matériaux qui composent la selle, et toutes les selles ne se "cassent" pas forcément. Certaines se "cassent" vite et d'autres lentement. Mais quant à utiliser un correcteur d'équilibre ou une "raquette" pour mieux casser sa selle comme certains selliers ont pu le préconiser, c'est une connerie. Voilà =)

2. L'évolutivité de la selle.

De plus en plus, les selles sont modifiables pour évoluer avec les chevaux et les cavaliers qu'elles équipent. Les fabricants intègrent de plus en plus ce paramètre à leurs cahiers des charges de conception, et c'est tant mieux - le propre du vivant étant l'évolution, travailler sur du matériel "figé" n'est à mon sens pas une réponse appropriée. 

Pour autant beaucoup de cavaliers pensent que parce qu'ils visent telle ou telle marque dont l'évolutivité est la norme, la selle ira à n'importe quel cheval. FAUX! Naturellement. On ne peut faire évoluer que quelques petits paramètres, mais la base de conception d'une selle x doit correspondre tant au cheval qu'au cavalier. Les paramètres de modification des selles sont aussi relativement restreints, et cela dépend souvent des matériaux (un acier retravaillable par presse à froid n'a pas les mêmes capacités de déformation qu'un composite thermoformable). Il convient donc de bien se renseigner auprès des fabricants et de faire intervenir des techniciens spécialisés dans la marque x ou y que l'on vise pour valider l'achat et la capacité du matériel à évoluer...

3. Le lien au fabricant.

Les selles de moyenne et haut de gamme sont souvent numérotées, et grâce à ces numéros, vous pouvez obtenir tous les détails de fabrication d'une selle auprès du fabricant : l'âge, les spécificités de l'arçon, etc. Vous pouvez, à l'achat d'une selle d'occasion, vous renseigner sur les garanties qu'ils offrent dans ce genre de cas ; il peut y en avoir, ou pas. En théorie ce serait plutôt au vendeur d'assurer une garantie, mais si le vendeur n'est pas professionnel il n'a aucune obligation. Si vous achetez directement auprès du sellier une de ses propres occasions, c'est souvent le meilleur plan : il connaît son matériel, connaît la selle qu'il a entre les mains, et saura quoi faire pour la réviser efficacement.

Anecdote : je me souviens d'une petite peste qui a mis tout un bronx chez un sellier avec qui je travaille parfois, car elle a acheté une selle d'occasion qu'elle a fait rematelasser par un sellier non agréé par la marque et non familiarisé avec les techniques spécifiques de conception. Le travail a été bâclé à un point tel que la selle a été foutue en l'air, et cette dinde, au lieu de se retourner contre le sellier renégat, a essayé de traîner dans la boue le fabricant qui, la garantie ayant été invalidée par le travail de l'autre, refusait de faire quoi que ce soit - à raison bien évidemment. Donc, avant d'entreprendre quoi que ce soit, renseignez-vous sur vos droits réels de consommation plutôt que de supposer que le sellier vous doit tout... c'est fou comme les gens sont mal élevés parfois!

Voilà, je crois que cette fois-ci j'ai vraiment fait tout le tour de la question. Vous êtes blindés pour acheter une selle d'occasion maintenant ;-)