Traduction d'un article de Jec Ballou, une enseignante américaine spécialisée dans la préparation physique du cheval de selle et auteur de quelques livres sur le sujet dont Equine fitness, très intéressant (et non traduit).
En tant que spécialiste du fitness du cheval, mon job c'est de me demander en permanence comment on peut améliorer le corps du cheval. Notre façon de trotter, assis ou enlevé, est l'un des points cruciaux de cette réflexion.
En fonction de la discipline pratiquée, on tend à favoriser l'une ou l'autre technique ; mais au delà des traditions ou des tendances, nous devons considérer l'impact des forces que nous exerçons sur la structure physique du cheval. De façon générale, les dos de nombreux chevaux souffrent d'un excès de trot assis. Si on trottait plus enlevé, les allures s'en trouveraient améliorées, les muscles renforcés et l'énergie restaurées.
La collaboration de chercheurs américains et néerlandais a récemment confirmé cette hypothèse, en étudiant les effets du poids du cavalier par l'analyse filmée de la locomotion et de tapis à capteurs de pressions placés sous la selle. Il y aura toujours un certain niveau de pression sur le dos du cheval à partir du moment où un cavalier y est installé (poke les fabricants d'amortisseurs magiques qui gomment toutes les pressions ;-) ), mais les forces exercées sur le dos étaient nettement moins importantes au trot enlevé par rapport au trot assis. Dans les cas où l'assiette était franchement allégée par une position en légère suspension (position 2 pointes), les résultats étaient encore meilleurs. Ce qu'il faut en retenir, c'est que le trot assis génère plus de force, donc plus d'impact, sur le dos du cheval, tandis que le trot enlevé ou toutes ses variations d'une assise légère à une franche suspension en engendrent beaucoup moins.
©Alex Carlton
De façon plus poussée, les mêmes chercheurs ont démontré que le segment dorsal est maintenu en extension (les vertèbres s'écartent, les apophyses se rapprochent) au trot assis. Au trot enlevé, il a la possibilité de fléchir. Ces résultats confirment la thèse empirique soutenue depuis longtemps et par de nombreux entraîneurs, qui préfèrent trotter enlevé sur des jeunes chevaux afin de leur permettre de le monter et de le fléchir (donc de rapprocher les vertèbres les unes des autres, ce qui écarte les apophyses). Mais le trot enlevé ne devrait pas, pour autant, être réservé aux seuls jeunes chevaux.
La conclusion que l'on peut tirer de cette recherche, c'est que même avec un cheval adulte et bien musclé, le travail au trot enlevé lui permet de travailler avec un dos soutenu et allégé. Bien entendu, il faut également lui apprendre à tenir son dos avec un cavalier assis et donc plus de poids, de même que le cavalier doit apprendre et travailler le trot assis. Mais il ne faut surtout pas oublier d'intercaler des phases de trot enlevé entre les trots assis. Cela permet de conserver des allures plus franches ; mais surtout, d'éviter soit l'extension constante du segment dorsal, soit les courbatures ou les contractures musculaires engendrées par des impacts conséquents et répétés.
De façon comparable, on peut citer ce début de recherche qui indique que le rayon d'incurvation et l'amplitude des déplacements latéraux sont supérieurs au trot enlevé, par rapport au trot assis. La recherche est toujours en cours pour donner des résultats fiables, mais pour l'instant cela semble confirmer que le trot enlevé serait encore plus bénéfique pour le cheval que ce que notre première étude indiquait. Cela me plaît, d'autant plus que j'ai moi-même ressenti la différence dans mon travail latéral au trot, depuis que je me suis mise à le pratiquer enlevé sur les conseils de Manolo Mendez! A l'époque, cavalière de dressage studieuse et appliquée, respectueuse des traditions, cela m'a paru très inconfortable au début - j'avais l'impression de violer le code du dressage qui statue qu'on DOIT faire le travail latéral au trot assis. Mais lorsque j'ai changé mes habitudes, j'ai remarqué de tels progrès sur mes chevaux que cela m'a convaincue que le trot enlevé était bien meilleur pour leur dos. Et maintenant, la science vient de le prouver.
Gardez un oeil sur cette étude en cours - et en attendant, au trot!