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Le début de cette histoire est plutôt banal : j'ai racheté un matelas. Après des mois passés sur un truc pourri qui m'a défoncé le dos, j'ai voulu mettre les moyens. Et plutôt que de choisir seule au risque de me tromper, j'ai décidé de me faire conseiller par des spécialistes du matelas.

Qui a déjà acheté un matelas sait à quel point il est difficile de trouver une solution convenable avec un bon rapport qualité / prix. Le pire, c'est quand on achète pour deux : si les deux ne sont pas d'accord, c'est la misère (oui les lits dissociés existent mais pour le coup ça coûte un bras).

Sachant qu'en plus, le matelas est la donnée la plus importante de l'histoire, mais que le sommier peut, s'il ne correspond pas au matelas, faire foirer les choses.

Bref ; alors que je me jetais allègrement sur différents matelas, me tournais et me retournais, et que les (bons) vendeurs parlaient, j'avais l'impression de travailler. Et surtout d'être en formation avec quelqu'un qui parlait de mon métier, mais qui m'en donnait une approche différente, qui mettait des mots sur des sensations que je connaissais mais que je ne savais pas exprimer.

C'était génial, j'ai adoré. Et j'ai décidé d'écrire cet article pour expliquer pourquoi il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises selles, en termes de confort - et que le confort n'est probablement pas ce que l'on attend réellement.

Quand on achète un lit, on prend en compte plusieurs paramètres : 

- la taille : si les Suédois ont inventé les lits de 200cm, c'est parce qu'ils sont grands. Et quiconque a déjà dormi dans un bon vieux lit breton sait qu'il ne vaut mieux pas mesurer plus d'1m60. OK et la taille de la chambre aussi, ça compte.

- le gabarit : du ratio poids / taille dépend la fermeté du coeur du matelas. Plus une personne est lourde / massive, plus elle a besoin de soutien en profondeur.

- la posture de sommeil : la colonne vertébrale n'a pas les mêmes courbes et a besoin de soutien en différents endroits selon qu'on dort sur le ventre, sur le dos ou sur le côté. La densité et l'élasticité de la couche superficielle varie, en fonction des matériaux employés, pour permettre de conserver un alignement vertébral juste. C'est le fameux "confort d'accueil", et tout le monde sait que ce n'est pas parce qu'un lit est moelleux au premier abord qu'on y dort bien.

- la tonicité et le gainage musculaire : complète la notion de "posture". Quand on est hyperlaxe, on a besoin d'un soutien plus ferme, sinon on place des contraintes fortes sur des articulations déjà trop mobiles ; à l'inverse quand on est raide ou hypertonique, un peu de souplesse fait du bien et aide à défaire les tensions.

- le feeling : c'est un mélange de tous les paramètres déjà énoncés, et des sensations liées aux matériaux employés (j'ai essayé un truc top of the pop doublé soie, hors budget certes, mais l'impression de flotter dans un nuage c'était génial).

- le marketing : l'exemple ultra-typique en literie, c'est Tempur, agréé par la NASA et tutti quanti, avec de belles affiches de colonnes vertébrales bien supportées, tout ça tout ça. Pour moi ça a été traumatisant au bout de 30 secondes, j'ai viré claustro. "C'est un autre style de sommeil" a dit le monsieur. Certes, mais pas le mien quoi qu'il en soit! Pourtant le discours est top.

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Bref, ça fait 6 critères de choix, et c'est déjà beaucoup. On sait tous que des problèmes de dos persistants peuvent être résolus par une literie bien choisie. Ou qu'une nuit sur le clic-clac de tante Myriam peut se transformer en cauchemar dont seul l'ostéo et une poupée vaudou peuvent vous sortir.

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A ce stade de la lecture, si vous me connaissez, vous voyez où je veux en venir ; si vous ne me connaissez pas, vous vous demandez sérieusement à quoi je carbure.

C'est pourtant pas compliqué. Quand on choisit une selle pour un couple cavalier / cheval, la démarche est assez similaire ; sauf qu'on choisit un matelas pour deux personnes, éventuellement pas franchement assorties l'une à l'autre, et qu'en plus une selle c'est pas juste un empilement de matériaux, non y a des formes à respecter. Bon, OK, c'est compliqué. Enfin la démarche est pas compliquée intellectuellement, mais la réalisation technique l'est.

Il y a l'impondérable basique : 

- la taille du siège, pour le cavalier.
L'ouverture de l'arçon, la largueur de la gouttière et la longueur d'appui sont les données basiques et quantifiables importantes pour le cheval.

Puis les critères assez importants pour que chaque sellier doive au moins y réfléchir un peu : 

- le gabarit du cavalier détermine la rigidité de l'arçon et la densité des matelassures : plus le cavalier est lourd, plus l'arçon doit être rigide et les matelassures denses, sinon la selle s'écrase.

- la posture : induira les formes de la selle pour le soutien et la répartition des appuis.
# côté cheval, détermine la forme de l'arçon et les zones d'appui autorisées (variables d'un cheval à l'autre!).
# côté cavalier, détermine la forme du siège, des quartiers, des taquets.

Et les trucs vraiment complexes qui ne sont pas vraiment quantifiables, parce qu'on travaille sur le vivant : 

- le gainage et la tonicité musculaire : quand on dort, on bouge relativement peu, donc les propriétés dynamiques des matériaux utilisés dans un matelas sont relativement inintéressantes. A cheval, en revanche, ça bouge constamment et de façon pas toujours prédictible. Il arrive que certains chevaux hypertoniques soient impossibles à monter pour des cavaliers hypotoniques ; ou que des cavaliers hypertoniques stressent n'importe quelle monture par "l'électricité de la fesse".
La selle est entre les deux, et doit à la fois absorber certains mouvements et en transmettre d'autres, dans un mouvement ascendant et descendant. Or la transmission est régie par les matériaux qui la compose : inertes ou dynamiques, et si oui, par quoi le dynamisme est-il généré? A ma connaissance, personne n'a fait d'étude sérieuse / intéressante là-dessus. 
De façon générale, un sellier est défini par sa philosophie de conception et emploie les matériaux qui lui permettent de réaliser ce dont il a envie. Donc, je pars du principe suivant : aucun sellier n'est capable d'équiper tous les couples de façon optimale. De même qu'aucun litier n'est capable de fournir un lit à tout le monde. Entre le ressort ensaché et le Bultex il y a un monde ; entre l'arçon en résine et le lamelé-collé aussi. CQFD

- le feeling : est donc, à mon sens, intimement lié aux matériaux qui composent la selle. C'est ce qui fera qu'une selle fonctionne dans un couple, dans une équitation. Donc si on change de pratique équestre ou même de style au sein d'une même discipline, ça peut ne plus marcher - facts.

- le marketing : c'est pas parce que la NASA a envoyé Kevin Staut dans l'espace avec une selle en carbone et que vous rêviez d'être Pierre Durand / cosmonaute en 1989 que c'est la selle qu'il vous faut... On sait tous que les rêves d'enfant c'est un peu comme les fantasmes, hein. Pas forcément souhaitable de les réaliser.

En conclusion de l'histoire, je vous dirais donc ceci : montez comme vous dormez (c).
Et essayez des selles, plein. Et des lits.