Il y a quelque chose dont on parle peu, qu'on oublie trop souvent, et qui est absolument décisif pour la bonne compréhension d'un cheval.
UN CHEVAL N'A PAS DE CLAVICULES. Du tout.
Ce qui implique qu'il n'y a pas de connexion osseuse entre la cage thoracique et les omoplates. Que la cage thoracique est flottante entre les omoplates, et que la seule suspension entre ces deux piliers que sont les antérieurs n'est pas fixe et rigide. C'est un ensemble de tissus (ligaments, muscles, fascias) qui sont sujets aux mouvements de contraction et de relâchement.
(c) Gillian Higgins "Horses inside out", schéma adapté par I. Devambez
Premier constat : la hauteur du cheval au garrot (point le plus haut du garrot = sommet des apophyses vertébrales les plus longues, soient D5-D6) peut donc varier. En fonction de l'état musculaire et postural du cheval, le garrot peut monter ou descendre.
DONC : un cheval bloqué dans sa cage thoracique n'a pas son garrot au point le plus haut possible, donc il n'a pas atteint sa toise maximale. Un cheval peut donc grandir littéralement, même une fois sa croissance terminée, si on lui laisse la possibilité physique de soutenir sa cage thoracique. Avant l'âge de 8 ans, c'est rare qu'un cheval ait terminé sa croissance osseuse et que sa masse musculaire ait atteint son plein potentiel, donc qu'il puisse soutenir pleinement sa cage thoracique.
Mais ce sont bel et bien des muscles qui soutiennent le thorax : si ces muscles ne sont pas stimulés, étant donné que le cheval passe environ une quinzaine d'heures par jour le nez par terre à manger, le thorax ne se soutiendra pas de lui-même. La meilleure façon de les entraîner reste encore d'avoir un cheval travaillé sous la selle régulièrement et correctement. Pourquoi sous la selle? parce qu'avec le poids du cavalier sur le dos, il est obligé de les employer pour de vrai, pour porter. Seul un travail au sol éminemment savant, avec une vraie conscience du travail des reports de poids, peut éventuellement aider ; mais la longe basique, non.
En se référant au squelette du cheval, on peut dégager deux repères indicateurs de la qualité de ce soutien : la hauteur du garrot par rapport au point le plus haut du cartilage de l'épaule, la hauteur du sternum par rapport au coude.
Un cheval qui "monte son dos" dans le travail, c'est donc un cheval soutient en premier lieu sa cage thoracique entre ses omoplates, avec un appui franc des antérieurs sur le sol. Ensuite, le jeu des ligaments supra et paro-spinaux, des muscles "erector spinae" contribueront à étirer la colonne vertébrale, et le cheval tendra toute la ligne du dessus.
On comprend donc, dans un premier temps, l'importance de l'appui sur le sol des antérieurs, donc de la qualité des pieds / du parage / du ferrage. Un cheval qui a mal aux pieds pour x ou y raison ne pourra pas soutenir sa cage thoracique correctement car ses appuis seront mauvais. Et on peut constater des problèmes de selles (qui avancent en général) liés à des problèmes de pieds, notamment quand on commence à entrer dans des attitudes plus rassemblées - le rassembler impliquant un cheval qui s'asseoit en fléchissant les hanches et en soulevant son avant-main par la force de son dos et en se grandissant sur ses appuis antérieurs ; si les sabots antérieurs sont faibles, le cheval n'aura pas de force de soutien. Si j'en parle, c'est que j'ai déjà eu le cas, et dans CE cas-là, le problème avait en grande partie été réglé par une ferrure adaptée (en aucun cas ce n'est une vérité générale, toutes les selles qui avancent ne sont pas dues à des problèmes de pieds).
On comprend donc aussi, pour en revenir au dos et surtout à la selle, l'importance de ne pas seller sur le garrot ; par la présence seule de la selle, même si le pommeau n'est pas en contact avec les apophyses vertébrales, les épaules vont être bloquées dans leur mouvement d'ouverture. Le cheval ne va donc pas pouvoir soutenir le garrot, s'effondrer sur les épaules, devenir lourd à la main et dans sa locomotion.
Imaginez vivre dans une pièce très basse, où le plafond n'est qu'à quelques centimètres du sommet de votre crâne : vous vous l'êtes pris une ou deux fois bien fort là où ça fait mal, vous allez donc, pour éviter que le phénomène se reproduise, vous voûter naturellement...
Illustration (c) Sustainable Dressage
Outre la position de la selle sur le dos du cheval, la largeur de l'avant de la gouttière de la selle doit laisser la place au garrot de monter. Or très souvent, les matelassures sont attachées assez haut à l'avant (à cause d'arçons à pointes courtes, souvent trop courtes par rapport à la profondeur du muscle trapèze sur lequel les pointes reposent), donc placées haut. Les matelassures reposent au même niveau que le processus épineux, sans dégagement latéral du garrot.
(c) Cheval Annonce
On voit bien que la selle de la photo n'épouse absolument pas le dos du cheval. Or le dos du cheval en mouvement ondule : les apophyses des vertèbres oscillent de droite et de gauche. Avec des matelassures comme celles qui sont représentées ci-dessus, un tel mouvement est impossible - la locomotion sera donc gênée, de même que tout l'équilibre général du cheval (ie : le soutien de la cage thoracique! pas de place pour "monter le dos"...)
Sans regarder toute la vidéo, vous pouvez déjà assez rapidement avoir une idée de ce qui se passe réellement :
Il faut donc que la chambre de garrot (soit la place laissée par l'arçon et les matelassures) soit suffisamment ample pour permettre au cheval d'y loger tout son processus épineux à l'aise et sans contact.
Comme ceci, par exemple (c)
En résumé et en allemand :
Vos chevaux vous remercieront.