"Mais le saddle fitting a aussi ses limites.
"Comme l'ostéopathie, ce n'est pas une science reconnue", prévient G. Girard, directeur commercial de CWD. "La mécanique du cheval est un domaine très complexe, il n'est pas à prendre à la légère. Il ne faut pas oublier que le cheval n'est pas formaté pour l'équitation. Concevoir une selle demande donc un peu plus que le simple postulat de départ établi avec un tapis à capteurs de pressions par une personne qui est tout sauf un scientifique. Ces métiers para-selliers ont été créés pour donner un avis qui n'a aucune valeur, puisque les saddle fitters ne sont ni vétérinaires, ni scientifiques, et qu'ils ne s'appuient sur aucun protocole."
in Grand Prix magazine, "Comment bien choisir sa selle", mars 2015
C'est un avis très intéressant et qui soulève de nombreux points :
1. sur le saddle fitting en lui-même :
- l'absence d'unicité de formation des saddle fitters déjà en place et le niveau faible des formations déjà existantes - et donc les différences de niveau parfois très marquées d'un professionnel à l'autre
- le manque de coordination entre les acteurs de cette même branche, et le peu de lisibilité de l'offre
2. sur l'incompréhension, donc la peur et l'agressivité de la part des acteurs traditionnels, suscitées par une "nouvelle" façon de voir les choses pourtant déjà très établie dans des pays voisins et chez des marques concurrentes. En l'occurrence, les marques "fashionnables" françaises sont très présentes dans des pays où le saddle fitting l'est aussi, comme aux USA par exemple, et où le saddle fitting est pour le coup très associé à la pratique de la médecine vétérinaire. "Vérité en-deça des Pyrénées, erreur au-delà", pour citer Pascal et se la jouer intello.
2. sur la persistance du manque d'ouverture des acteurs traditionnels du secteur équestre : "tout ce qui n'est pas vétérinaire et / ou scientifique n'a pas voix au chapitre". L'ostéopathie n'est effectivement pas reconnue, parce que la France de ce point de vue est un pays archaïque voire rétrograde ; est-ce que pour autant, parce qu'un fonctionnaire parisien n'y pipant rien n'a pas encore mis le bon coup de tampon sur le bon formulaire, elle ne sert à rien? Au passage, un cours d'approfondissement vétérinaire dispensé par le Pr. Denoix au Cirale inclut des notions d'ergonomie de la selle.
3. partant du postulat fondamental du saddle fitting qui est "une selle inadaptée n'a aucun intérêt pour un couple cheval / cavalier": quels sont les protocoles d'adaptation des selles mis en place par les marques traditionnelles françaises, et comment et par qui sont formés les commerciaux?
4. sur les tapis à capteurs de pression (pourtant utilisés dans des vidéos promotionnelles par la marque concernée) : un gros point pour le monsieur : ils ne servent à rien sans le protocole et les connaissances qui vont avec, et ce n'est pas utilisable par n'importe qui. Là encore, tout réside dans la qualité de la personne qui l'emploie.
Protocole : c'est le mot-clé. Rigueur dans la façon d'aborder le cheval, le cavalier, l'équitation. Grille d'analyse précise, connaissance du matériel proposé en regard. Voilà la seule façon dont tout un chacun qui toucherait de près ou de loin, professionnellement, à la selle, et quel que soit son titre : commercial, artisan sellier, "saddle fitter", ergonome équin... se doit de procéder.
Il n'y a pas - plus - d'unicité du métier de sellier. C'est une notion qui est aujourd'hui "éclatée" : un sellier, est-ce que c'est un magasin qui revend des articles d'équitation? un artisan qui travaille le cuir pour produire des objets liés à l'utilisation du cheval? un ouvrir qui fabrique à la chaîne des quartiers de selles pour une grande marque? un commercial qui revend les selles?
Au même titre qu'il n'y a pas d'unicité de l'équitation : il y a des écoles différentes, qui recherchent des objectifs différents, et qui ont chacune leurs procédés différents.
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Je ne pense pas qu'il faille juger sur des critères de bien / pas bien.
Le premier - et le seul, si on doit s'en tenir à ça - critère qui vaille, c'est la connaissance du cheval, dont découle le respect de son intégrité. Une selle qui permet au cheval d'être monté sans douleurs, dans le respect de son anatomie et de sa biomécanique.
Bonne journée à tous,
Eugénie