KEVIN-STAUT-PORTRAITA la base de ce titre provocateur, cet article paru dans Le Monde du 17.04 dernier à propos de Kevin Staut

J'ai récupéré la fin, que voici (merci les fora): 

en septembre 2012  il a commencé à avoir mal au dos ; il avait déjà eu des lumbagos passagers. Le diagnostic, tripe hernie discale. La suite, un marathon médical. Une nouveauté pour lui car jusque là il ne s'occupait pas tellement de lui ; autant les cavalier échauffent et "détendent" leurs chevaux, autant eux ne font jamais d'étirements ou autres. 
Il ne s'est pas beaucoup préservé et a tout tenté pour éviter une intervention chirurgicale et une trop longue convalescence.  Après anti-inflammatoires et ceinture lombaire, un « magicien » lui fait des infiltrations ; mais la douleur lancinante ne passe pas. puis on lui prescrit un traitement de cheval à base d’anti-inflammatoires le matin et de corticoïdes le soir ; toujours pas d'amélioration, pincement au fessier, sciatique à droite et cruralgie à gauche « Tout ce que je faisais me faisait mal. » Mais il continue à monter, souffrant moins sur une selle que debout sur ses pieds. « Contrairement à ce que l’on croit, l’équitation est un sport très bon pour le dos. C’est un sport symétrique, bien meilleur que le tennis ou le golf par exemple. A cheval, naturellement, on a des abdos qui se créent pour être plus droit. »

Neuf mois plus tard, il se décide pour une opération par endoscopie (pour éviter une cicatrisation trop longue). Mais entre temps on lui parle d'une "rebouteuse" américaine, une ancienne danseuse, qui travaille sur les muscles en mêlant techniques de la méthode Pilates et biomécanique : « Quand j’ai vu Kevin la première fois, il pouvait à peine marcher. Tout son corps était tordu. » Elle pense que c’est sûrement une ancienne chute qui est à l’origine de tout. « Il s’était blessé au genou droit il y a trois ans, c’était guéri mais il a continué à boiter et cela a probablement contribué à beaucoup déséquilibrer et désaligner son corps. » Après deux séances, il a annulé le rendez-vous chirurgical. 

Aujourd’hui, il fait des exercices en permanence : contractions d’abdos, de fessiers, les exercices sont devenus des réflexes.  « 99 % des opérations pourraient être évitées grâce aux exercices ». Désormais converti, le cavalier normand a choisi de s’entretenir et, pour la première fois de sa vie, de prévenir une éventuelle rechute. « J’ai des rituels avant et après être monté, avec des élastiques pour étirer mes jambes, une balle assez dure que je mets contre un mur. Je cherche mes nœuds musculaires, je reste appuyé dessus, je fais tout le dos comme ça. J’ai aussi une barre avec des petits rouleaux pour les muscles des jambes. Ensuite je fais des abdos. »

Kevin Staut prolonge l’analyse : « J'ai appris beaucoup de choses aussi sur l'effort physique des chevaux, je me suis beaucoup remis en question à ce sujet. On a une manière très naturelle dans notre équitation de les aider à récupérer. » Le groom repère souvent les douleurs du dos et des membres au moment du pansage, mais « ça m’a ouvert les yeux sur des trucs tout bêtes, comme par exemple allonger la période d’échauffement quand il fait froid ».

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Je suis en colère. En colère, parce que ce type a été n°1 mondial dans sa discipline pendant des années, et donc un modèle aux yeux de milliers de cavaliers. On ne peut qu'admirer sa force mentale pour en être arrivé là avec une condition physique en piteux état, certes.

Mais en quoi est-ce une gloire de souffrir en serrant les dents?

Ca me tue que ce modèle soit porté en exemple dans notre société française où les gens aiment souffrir et où ils justifient l'inconfort, la gêne, la douleur par "oh, ça doit venir de moi... je vais m'habituer" et ce jusqu'à se retrouver franchement et irrémédiablement blessés. BANDE DE NOUILLES! Et dire qu'on a le système de santé sociale le plus performant qui soit! Colère, colère, colère.

Je pense qu'il n'y a bien qu'en équitation qu'on prend aussi peu soin des corps, et qu'on se pose aussi peu la question des fonctionnements biomécaniques (des deux parties du couple, d'ailleurs). Dans TOUS les autres sports, même ceux qu'on ne dirait pas être du sport - le golf, par exemple - y a une conscience physique accrue, une réflexion sur le geste, une décomposition, une adaptation du matériel...

Beaucoup de cavaliers que je rencontre sont littéralement des sportifs de l'intellect, et n'ont aucune connexion physique / mental. Ils n'habitent pas leurs corps. Leur être est concentré dans un triangle qui va d'une épaule à l'autre, et qui se rejoint au sommet du crâne. En dessous? y a personne. C'est un pantin. Et c'est ce pantin qui est au contact du cheval. So much for communication & sensation.

La plupart des cavaliers prennent grand soin du physique de leur cheval... de l'extérieur. Rarement de recherche en profondeur. Et bien sûr, jamais d'exploration pour comprendre l'impact de leurs problèmes physiques à eux sur ceux de leurs chevaux. Pourtant, en général, suffit de prendre le bilan ostéo de l'un et de l'autre pour réaliser que l'un a transféré ses problèmes sur l'autre. Et c'est celui du dessus qui transfère les problèmes, hein... Quant à la conclusion de KS, ben il a pas fait Polytechnique et ça se voit... allonger l'échauffement quand il fait froid, bon sang mais c'est bien sûr! 

On rejoint la problèmatique de base du fitting, et plus largement de toute pratique préventive : à 80% du temps, on se retrouve à soigner des problèmes qu'une prévention correcte (donc une selle choisie en pleine conscience et avec bon sens) auraient pu éviter. Ouais parce que dans tout ça, notre Kéké national, il a toujours pas l'air de se poser la question de l'adéquation du matériel et de l'ergonomie... tant que les équipementiers crachent au bassinet, y a pas de raison de réfléchir plus loin que le chèque à la fin de la saison...

Allez, je vais me calmer en m'étirant la couenne. Bonne journée.

(PS : une cavalière pro de mon entourage a changé de selle. En quelques semaines, les douleurs chroniques ressenties en L5/S1 et la sciatique qui était sa meilleure amie depuis des années se sont envolées. A bon entendeur...)