Or donc, quand je suis en consultation, il m'arrive de me battre (sisi) pour changer la longueur d'étriers des gens. Ceux qui posent le plus de problèmes sont ceux qui font (ou pensent faire) du dressage. Dans leurs têtes, dressage = étriers chaussés LOOOONNNNG.
Ouais mais non, sorry folks, ça ne marche pas comme ça. Et puis je suis tombée sur Dressage Different, un blog de dress américain, un truc assez cool et bien écrit, qui parle JUSTEMENT de ce problème.
Voici la traduction.
Asseyez-vous au bord d'un paddock de détente en concours, et vous aurez une bonne idée des longueurs d'étriers choisies par différents cavaliers. Ca va de ceux qu'on dirait qu'ils se sont trompés de paddock, et qu'ils devraient s'échauffer pour le CSO, à ceux qui sont constamment en train de chercher l'appui de leurs pointes de pied sur des étriers dix fois trop longs. Quelle est donc la bonne longueur d'étriers en dressage?
Enfin, plus exactement, on devrait se demander "quelle est MA bonne longueur?" Voyez-vous, ce n'est pas en copiant votre coach que vous arriverez à quelque chose. Suivez-moi donc dans le terrier du Lapin Blanc, chers lecteurs...
Le cheval
Le premier élément à prendre en ligne de compte, c'est votre cheval. Si vous montez un jeune cheval fraîchement débourré, un réformé, un cheval qui reprend le boulot ou un cheval au dos fragile, alors vous monterez avec des étriers plutôt courts. Ce ne serait ni approprié, ni même juste pour votre monture de la monter assis, avec des étriers longs, alors qu'elle n'est pas prête à vous porter de la sorte (du point de vue de la force). Des étriers plus courts permettent d'alléger l'assiette, et donc de libérer le dos du cheval d'un poids qui pourrait le raidir, ou le creuser.
La morphologie de votre cheval vous dictera aussi la bonne longueur d'étriers. Entre un cheval étroit et un cheval d'une carrure de rhinocéros, vous n'aurez pas la même longueur d'étriers. Adaptez-vous!
Le niveau du cavalier
Les cavaliers plus novices devraient chausser plus court que ce qu'ils chausseront ultérieurement. Un débutant n'a ni l'équilibre, ni la musculature pour adopter une descente de jambe correcte. Commencez donc avec une longueur d'étrivières avec laquelle vous vous sentirez en confiance aux trois allures, même si c'est trop court par rapport à l'idée que vous vous faites de votre longueur idéale. Si vous commencez directement avec des étriers trop bas, vous allez rapidement vous retrouver en train de vous agripper avec les jambes. Que vous vous agrippiez avec la cuisse, le genou ou le mollet, le résultat sera le même : la jambe remonte et vous perdez l'étrier (et éventuellement, vous allez ou blaser votre cheval aux jambes, ou le rendre de mauvaise humeur). Cela engendre surtout de très mauvaises habitudes, qui une fois installées sont extrêmement difficiles à perdre. Mieux vaut commencer dans une position qui vous permet dès le début de prendre les bonnes habitudes, plutôt que de chercher à reproduire des attitudes vues sur des cavaliers de Grand Prix. Plus le temps passera, plus votre assiette et vos aides deviendront indépendantes, plus vous descendrez vos étriers.
Et si vous vous remettez en selle après quelques temps sans monter, cette règle peut s'appliquer à votre situation également, le temps que vous retrouviez vos muscles et vos sensations.
L'anatomie du cavalier
Voilà un détail que l'on ignore souvent dans le monde du dressage, tant du côté des cavaliers que du côté des entraîneurs. Dans la recherche du Saint Graal postural (l'alignement talon / hanche / épaule), on oublie souvent que nous autres humains ne sommes pas faits pareil... Prenez l'auteur par exemple : elle a un fémur exagérément long, et un bas de jambe très court. En gros, la distance entre la hanche et le genou est bien plus longue que la distance entre le genou et la cheville. De ce fait, si elle devait régler ses étriers de sorte à adopter la position académique, elle monterait jambes tendues, ce qui n'est pas vraiment idéal... Dans Dressage with Kyra, Kyra Kirklund établit que “la pointe du pied devrait être alignée avec le genou”. Cela permet de respecter l'angle du genou, sans influencer sur la position du haut du corps. Si votre assiette est également répartie entre les ischions et le pubis ( = à plat sur le périnée), vos cuisses descendent naturellement le long des quartiers, vos pointes de pied à l'aplomb du genou, vous voilà en selle et en sécurité ; à ce stade, si l'alignement idéal n'est pas respecté, ce n'est pas très grave. Certaines personnes, de fait, auront plutôt tendance à être assises un peu trop sur leurs fesses ("chair seat") avec les jambes un peu en avant, ou sur leur pubis ("fork seat") avec les jambes un peu en arrière, pour des raisons anatomiques ; mais il faut toujours tendre vers la position alignée, pour autant que l'on puisse physiquement l'adopter.
[et à ce stade, on en revient à la conception du siège et du ratio creux de siège / couteaux d'étrivières, qui déterminera aussi le placement du bassin et le tomber de la jambe...]
Considérations fonctionnelles
Les étriers sont un moyen d'améliorer l'équitation, et de la rendre possible en toute sécurité. Voici quelques questions que vous pouvez vous poser, lorsque vous montez, pour savoir si vos étriers sont trop longs ou trop courts :
- quand vous trottez enlevé, au moment où vous êtes debout, vous sentez-vous vraiment debout? à ce stade, l'angle de la hanche devrait être ouvert, tout en restant au-dessus de vos pieds [alors, ça c'est une question qui peut faire débat, le trot enlevé étant assez complexe - trop souvent les cavaliers envoient leur bassin en avant de la verticale] Si à ce stade de "debout" vous ne vous sentez pas équilibré, il faut probablement revoir la longueur d'étriers.
- au trot et au galop assis, votre articulation coxo-fémorale s'ouvre-t-elle correctement? si vous devez vous pencher en avant pour pouvoir ouvrir votre hanche, ce peut être un signe d'étriers mal réglés. Evidemment, ce peut aussi être un problème de position, qui induit un sentiment d'insécurité (quand on ne se sent pas en sécurité, on se penche en avant). Mais des étriers trop courts fermeront trop l'angle des articulations du genou et de la hanche.
- à l'inverse, si vous êtes constamment en train de chercher vos étriers du bout des orteils, si vos pieds ne parviennent pas à reposer correctement sur le plancher des étriers, ils sont probablements trop longs par rapport à ce que vous êtes capable de maintenir comme position actuellement. Au pas, c'est peut-être pile la bonne longueur, mais si au trot vous devez vous accrocher avec vos jambes, c'est que c'est trop long par rapport au stade d'équitation où vous vous trouvez.
Malheureusement, aucune longueur d'étriers ne sera la solution à l'acquisition de la bonne assiette, indépendante et tout, dont on parle tant. Si vous vous accrochez avec les genoux dans les taquets alors que vous essayez de vous asseoir au trot et au galop, ce n'est pas un problème de longueur d'étriers. C'est un problème de position à cheval, et vous allez devoir travailler en mise en selle pour régler ça. Donc, à ce stade, prenez une bonne inspiration, demandez à votre instructeur de vous longer pendant plusieurs séances et de corriger votre position, d'abord sans étriers. A l'issue de cette session de travail, lorsque vous retrouverez vos étriers, vous trouverez bien plus facilement votre longueur idéale d'étrivières.
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Ce dernier paragraphe tombe bien...
En tant que cavalière, après 15 ans d'équitation, j'ai passé un an à travailler sur ma position au pas et au trot... et encore la semaine prochaine, je pars une semaine pour travailler sur simulateur et à cheval sur cette question! Vraiment, je trouve qu'on ne met pas assez l'accent sur cette question. Et si pour certaines personnes c'est facile d'avoir une bonne position, une bonne assiette et tout (souvent des sportifs accomplis, des gens qui connaissent bien ou habitent bien leur corps), pour la plupart d'entre nous pauvres mortels, on doit travailler dur pour réussir à acquérir cette bonne assiette, et donc pouvoir utiliser la longueur d'étriers que l'on veut!