Alors, on va faire simple, on va faire bref.
Initialement, le quartier a été placé sur la selle anglaise pour protéger la jambe du cavalier de la sueur du cheval (sweat flap, littéralement "quartier de sueur", le faux quartier en français) et du frottement des contre-sanglons (flap, quartier).
C'est pour cela qu'il est tout à fait possible de monter à cheval avec une selle sans quartiers, même en équitation classique. Les selles d'endurance, pour le gain de poids, sont souvent réduites à leur plus simple expression (la Desert Light chez Prestige, les Podium et autres copies), et récemment, le sellier français Butet a sorti une selle sans quartiers appelée "Practice", plutôt bien conçue, et qui montre bien que le placement de la jambe dépend avant tout du travail du siège et de l'équilibre entre creux de siège et couteaux d'étrivière (et ce malgré un siège plat!).
La Podium Extra Light, réduite à sa plus simple expression
La Butet Practice, au look inhabituel
Si l'on a une selle de ce type, on peut utiliser des pare-sueur ou des fenders pour se protéger les jambes.
Mais bon, le travail des quartiers a évolué avec les avancées de l'équitation et donc, les avancées de la sellerie, et ils sont rapidement devenus un peu plus que de simples pare-sueurs. Ils servent surtout à orienter et à soutenir la jambe, à la positionner dans un contact optimal avec le flanc du cheval.
Leur forme et leur orientation détermine la façon dont va se poser la jambe contre le flanc du cheval. La façon dont va se poser la jambe dépend de plusieurs choses : la morphologie du cavalier (longueur des segments, souplesse articulaire), son style d'équitation (chausse long ou court en fonction des disciplines pratiquées), et aussi... la morphologie du cheval. Hé oui, on n'a pas la même descente de jambes sur un pur-sang et sur un comtois!
Prenons un sujet après l'autre, mais évacuons d'abord la question du monoquartier : le monoquartier est très prisé en ce moment car il est supposé offrir un contact beaucoup plus étroit avec le cheval. Ce n'est pas toujours vrai. En dressage, je trouve que ce n'est pas très intéressant sur des chevaux très fins, car on manque vraiment de matière sous la jambe ; par contre sur des chevaux ronds c'est intéressant. En obstacle, il n'est pas très prisé car n'aide pas vraiment à la stabilité de la jambe ; c'est précisément pour cette raison qu'il est apprécié par les cavaliers de cross, qui bougent énormément dans leur selle et ont besoin d'une grande liberté de mouvement. Attention à une chose : le sanglage est souvent TRES problématique sur les monoquartiers à la française (sanglons cousus entre les deux épaisseurs de cuir et donc complètement fixes), et ça peut foirer complètement une selle qui va très bien par ailleurs.
La morphologie du cavalier (taille du fémur, épaisseur de la cuisse) détermine la longueur et l'orientation (la projection) du quartier. Les selles sont en général équipées d'une taille standard de quartiers, qui correspond proportionnellement à la taille du siège et à une bonne moyenne de la population cavalière rentrant dans la dite taille de siège.
Mais les cavaliers à jambes franchement plus courtes ou plus longues ne peuvent se satisfaire de cette solution. Un cavalier à jambes courtes dépassera à peine des quartiers et ne sentira pas son cheval, un cavalier à jambes longues quant à lui dépassera de la selle trop franchement, le haut de sa botte se prenant dans le bas du quartier, les genoux sur les taquets...
Dans ce genre de cas, il faut donc trouver un sellier qui propose différentes tailles et projections de quartiers. On règlera la longueur du quartier en fonction de la descente de la jambe, la projection du quartier en fonction de la façon de monter (étriers + courts = cuisse + oblique) et de la longueur du fémur. On peut donc avoir besoin par exemple d'un quartier de longueur standard mais avec une projection accentuée, les deux ne vont pas forcément de pair.
Meredith Michaels Beerbaum et Ludger Beerbaum.
Ces deux-là ont beau être beauf et belle-soeur, s'entraîner ensemble depuis des dizaines d'années, la selle de l'un n'irait pas à l'autre et inversement. Ils ont des morphologies radicalement opposés, des styles de monte complètement différents, des positions qui, on le voit sur les passages d'obstacles, n'ont absolument RIEN à voir.
Ludger se place au-dessus du garrot, il a besoin de pouvoir reculer sa jambe pour faire balancier avec son très long buste.
Meredith reste toujours derrière son cheval, et utilise ses jambes calées dans les sangles pour s'équilibrer et se donner de la force.
La morphologie du cheval a également un impact sur la façon dont pose la jambe sur le quartier - et également sur la disposition des taquets, j'y reviendrai. En premier lieu, c'est la forme de la cage thoracique qu'il convient de regarder, plutôt ovale (type PS, cage thoracique profilée, ouverture de côtes assez modeste, dos en forme de toit) ou plutôt ronde (type barricoïdal, côtes hyper ouvertes, dos très plat - ça concerne aussi bien les PS arabes que les comtois!) Forcément, la cage thoracique ovale permettra une descente de jambes plus aisée ; alors que la cage thoracique ronde forcera un peu sur les articulations coxo-fémorales, et pour compenser, le cavalier positionnera sa jambe un peu plus en avant de son axe. Plus on va chercher à descendre la jambe, plus on va chercher à chausser des étriers longs, plus on sera concerné par ce critère.
Le style et le niveau d'équitation ont également un impact sur la descente de jambes et donc l'orientation du quartier et la disposition des taquets. En général, les débutants sont assez crispés, ont du mal à se relaxer, à mettre du poids dans leurs jambes, donc chaussent plutôt court. Plus l'on progresse, plus la jambe se détend, s'alourdit, plus on peut rallonger les étriers (attention, c'est une erreur que de vouloir faire le contraire, rallonger les étriers pour forcer la descente de jambe ça ne marche pas!), plus le quartier va pouvoir se verticaliser.
En fonction des écoles, on ne place pas forcément la jambe de la même façon. Pour ma part, je recherche un placement de la jambe posée contre le cheval, la jambe adhérant moelleusement du haut du mollet au bassin, genou contre le quartier et bas de jambe décollé ; mais certains écoles préconisent d'ouvrir les genoux et d'amener le bas de la jambe au contact, donc forcément le tomber de la jambe sera différent! J'ai d'ailleurs compris à cette occasion la raison des taquets énormes sur les selles de dressage de certaines marques (surtout allemandes), dont je ne comprenais pas pourquoi ils étaient si proche du couteau d'étrivière, en plein milieu de la place de la cuisse et du genou si l'on a une position académique française! C'est parce qu'ils ne sont pas faits pour cette équitation-là...
Pour les cavaliers qui chaussent court (obstacle, donc à l'aise les 2/3 de la population cavalière française), la question se pose beaucoup moins, les angles articulaires sont plus fermés, la jambe enveloppe moins le cheval (seuls le haut des mollets et le bas de la cuisse sont concernés) - pour ce type de cavalier, on s'attardera sur la projection de quartiers, mais guère plus. C'est dès que la jambe descend que les problèmes interviennent, et qu'il convient d'être judicieux dans le choix des combinaisons de longueur, projection, taquets... etc.
Sur les questions de taquets, j'y reviens : autrefois les selles n'avaient pas de taquets, et la plupart des chevaux que l'on montait étaient des chevaux bien plus étroits que les chevaux que l'on monte aujourd'hui. Je suppute que c'est pour cela que les selliers ont rallongé les matelassures à l'avant de la selle de dressage : pour donner du soutien au genou.
Exemple d'une selle de dressage à panneaux longs à l'avant...
Et par comparaison, d'une selle de dressage à panneaux courts.
La forme des matelassures à l'avant a un impact sur le cheval certes (une selle à panneaux courts permet de mieux laisser la place au recul de l'épaule pour les chevaux à épaule très oblique, très musclée, ou en condition un peu grassouillette), mais donc elle en a aussi sur le cavalier. Mais autant sur les chevaux fins, ce soutien au niveau du genou est intéressant, autant sur les chevaux bien carrossés, ça peut être gênant parce que la jambe se retrouve écartée alors qu'on la voudrait plus proche du cheval.
Maintenant, sur la question des taquets à proprement parler, j'en ai déjà parlé mais j'y reviens, car c'est un sujet qui me tient franchement à coeur. Les taquets sont des blocs de mousse positionnés devant et / ou derrière la jambe du cavalier. En condition d'utilisation normale de la selle, les taquets NE SERVENT A RIEN. Ils sont là pour aider le cavalier à prendre un appui sur sa jambe (le plus souvent à l'avant) dans les moments critiques (si le cheval pile sur un obstacle ou sur rien du tout d'ailleurs, quand on s'engage au trot assis dans l'allongement sur la diagonale d'une carrière de 60m de long, quand on se prend une grande descente en extérieur, etc). Les taquets doivent être parallèles avec les cuisses. Quand ça bloque, c'est mauvais! Les taquets mal positionnés, c'est comme des enrênements utilisés pour forcer une position : si la position est forcée par un artifice, dès qu'on l'enlève, on retrouve les mauvaises habitudes. Honnêtement, sur la plupart des selles de dressage aujourd'hui, je trouve les taquets terriblement mal faits, souvent beaucoup trop longs, à chaque fois je vois les genoux des cavaliers qui grimpent dessus, ça va pas.
Je vais conclure en traduisant un petit passage du livre de Joyce Harman, qui parle très judicieusement des problèmes de relation entre morphologie humaine et équine, et les solutions techniques qu'elle a trouvées pour marier au mieux les différentes combinaisons. C'est page 99 de The Pain Free Back and Saddle Fit Book.
Si vous montez avec des étriers assez longs, vos jambes arrivent au niveau de la partie la plus large de la cage thoracique. Si vous avez :
- des cuisses fortes et un cheval large : ce sera difficile de rapprocher votre bas de jambe du flanc du cheval. Une selle avec les couteaux d'étrivières avancés peuvent aider. Quoi qu'il en soit, choisissez le taquet le plus fin possible, voire pas de taquet du tout.
- des cuisses fines et un cheval large : pas vraiment besoin de taquets, sauf si le cheval a beaucoup de rebond dans ses allures, auquel cas des taquets de cuisse à l'avant vous aideront bien.
- des cuisses fortes et un cheval étroit : pas de souci, vos jambes épouseront bien la forme du cheval, choisissez ce que vous voulez.
- des cuisses fines et un cheval étroit : pas vraiment besoin de taquets, sauf si le cheval a beaucoup de rebond dans ses allures, auquel cas des taquets de cuisse à l'avant vous aideront bien.
Si vous montez assez court, vos jambes restent sur la partie la plus étroite de la cage thoracique du cheval. Si vous avez :
- des cuisses courtes et rondes : ne pas utiliser de taquets trop épais. Essayez des couteaux d'étrivières un peu plus avancés.
- des cuisses longues : vos genoux dépassent probablement des avancées de quartiers et vous vous retrouvez sur les taquets. Faites enlever les taquets, si vous sentez que vous en avez vraiment besoin, faites fabriquer des petits taquets de cuisse que vous placerez bien au-dessus du genou.
Quelle que soit la longueur de vos étriers, si vous avez :
- des jambes très longues et très fines : quand vous rapprochez le genou de votre selle, le bas de jambe s'écarte, et quand vous rapprochez votre bas de jambe du cheval, le genou s'écarte. Essayez un taquet plus long, pour donner un peu de soutien à votre genou.
- des hanches très étroites : vous ne serez jamais vraiment à l'aise dans la descente de jambes, surtout sur un cheval large. N'utilisez pas de taquets.
J'en reviens donc à ce truc du taquet amovible et interchangeable, monté sur scratch : c'est une excellente solution quand on a une activité polyvalente avec son cheval, ou qu'on utilise la selle sur plusieurs chevaux qu'on ne monte pas pareil.
Quelques exemples des différents taquets que l'on trouve chez Wintec, par exemple :
Voilà, encore une fois ne vous laissez pas aveugler par vos préjugés ou par les effets de mode. En fonction de votre équitation, de votre morphologie et de votre cheval, il y aura un style de quartiers, un style de taquets qui vous conviendra mieux que d'autres.
A bon entendeur...
Concernant les quartiers, ils peuvent aussi servir à protéger le cheval des sacoches sur certaines selles rando (Prestige Trekker, Forestier rando, etc).