Le prix d'une selle

Je me rends compte que j'ai déjà abordé la question au hasard de mes articles, mais jamais frontalement.

Pourtant, il est bien entendu que l'argent est le nerf de la guerre, et que sans argent, difficile d'acheter une selle. Déterminer son budget est la deuxième chose à faire, lorsque l'on se met en quête d'une selle (la première étant de savoir quel style de selle on recherche, et pour quelle discipline).
Alors évidemment, on aura tendance à dire "le moins cher possible" ; cependant, la qualité a un coût, et une selle neuve de qualité correcte, même bon marché, reste chère pour la plupart des porte-monnaies.

Avant de commencer : j'évite de faire des généralités sur le blog sur telle ou telle marque, parce que d'une part leur réputation est généralement déjà bien faite, et il ne tient qu'à tout un chacun de se renseigner dessus ; d'autre part, parce que si j'en descends une on va me taxer de diffamation, si j'en valorise une, je fais de la pub gratos sans rien me mettre dans la poche ;-) la pub, ça se paie!

Mise en garde absolue (qui n'a pas valeur d'interdiction, parce que je ne peux rien vous interdire, mais vous viendrez pas pleurer après) : les selles neuves en cuir premier prix (moins de 500€ grosso modo) sont à fuir comme la peste.
Elles sont fabriquées par des gens de pays que l'on appelle "Tiers-monde", qui n'ont jamais vu un cheval de leur vie et n'ont pas la moindre idée du fonctionnement du cavalier, le tout avec des matériaux d'une qualité plus que médiocre. Si vous voulez en savoir plus, avec Glenn on avait disséqué une selle de ce type ici.
Avec ce type de selle : 1. vous avez moyen de blesser votre cheval 2. de vous faire mal et 3. vous prenez des risques niveau sécurité. La construction est faite n'importe comment, les panneaux sont rembourrés avec de la bourre de vieux coton qui n'amortit rien du tout, souvent elles sont asymétriques, le cuir est carton et vieillit très très mal, évidemment elles ne sont pas retouchables ou modifiables, bref : acheter ça, c'est jeter des sous par la fenêtre.

Pour les petits budgets, mieux vaut se tourner vers 2 types de selles :
1. les synthétiques
2. les selles en cuir de bonne facture d'occasion.

Pour les selles synthétiques, il faut mettre de côté ses vieux préjugés basés sur l'utilisation des selles synthétiques d'il y a 20 ans (rappelez-vous, cette selle rouge au revêtement défraichi déchiré sur les quartiers, ce club minable fait de bric et de broc, cette pluie diluvienne qui s'abat sur la carrière pendant qu'un moniteur vaguement poivrot vous hurle dessus que vous êtes nul, et que le cheval que vous montez, absolument pas dressé, vous plante un demi-tour dans chaque coin... sweet memory!).
Les matériaux ont changé, ils ont été réfléchis, testés, retravaillés : l'effet "chauffe-cul" n'est plus vraiment d'actualité! Que la selle soit en cuir synthétique ou en espèce de suédine, le confort n'est plus le même. Alors certes, on est toujours loin du confort du doublé veau, il faut comparer ce qui est comparable. Mais la suédine donne un effet "grip" plutôt pas mal, et le cuir synthétique, une fois cassé, est plutôt agréable.
J'ai moi-même possédé pendant 2 ans une Wintec Isabell Werth (selle pur dressage), et j'ai pleuré de devoir la revendre parce que sa forme n'était pas du tout adaptée au dos de mon Billy. Je me suis rarement sentie aussi bien dans une selle, honnêtement.
De plus en plus, ces selles offrent un excellent rapport technicité / prix. La conception est réfléchie, les selles sont souvent adaptables assez facilement (diverses formes d'arçon, de panneaux, arcades interchangeables, sanglons ajustables, possibilité d'insérer des cales entre les panneaux et l'arçon) ; on n'aura jamais de sur mesure en synthétique, mais honnêtement, on peut s'en tirer à très bon compte.
Je pense que pour un jeune cheval, qui verra passer plusieurs selles avant d'avoir sa selle définitive, c'est une très bonne solution financière. Une selle synthétique décote beaucoup moins qu'une selle haut de gamme, proportionnellement ; donc on perd moins d'argent à la revente.
Enfin attention : que ce soit une selle western ou une selle classique, même en synthétique il y a un "niveau minimum" d'argent à mettre dans l'achat. Renseignez-vous sur les forums d'équitation qui fleurissent partout sur Internet, il est relativement facile de trouver des avis, souvent assez bien argumentés, sur telle ou telle marque. Certaines sont tout à fait recommandables et d'autres parfaitement évitables.

Les selles d'occasion sont un excellent moyen d'avoir une bonne selle pour un prix modique (proportionnel, quand même, à la valeur neuve de la selle, ainsi qu'à son état et à son âge). Grâce à Internet, on peut trouver son bonheur assez facilement, de particulier à particulier. Et de plus en plus de professionnels se spécialisent dans la revente de selles d'occasion, moyennant une commission et un éventuel service de conseil / adaptation. Ca peut donc être une super solution.
Si on passe par un professionnel, le budget sera légèrement augmenté (ou pour le vendeur, on récupèrera moins de sous, forcément). On limite les chances d'inadaptation de la selle, si le dit vendeur fait correctement son boulot de conseil ; et on limite aussi les chances d'arnaque. Parce que oui, les arnaques sont légions : méfiez-vous! n'envoyez pas de chèque à l'autre bout de la France sans savoir à qui vous l'envoyez!
Quand on fait affaire directement avec un particulier, on peut négocier une période d'essai, moyennant un contrat écrit et un chèque de caution ; il suffit simplement que les deux parties se mettent d'accord sur les termes et les montants et signent un papier qui aura valeur de preuve en cas de litige. Oui la procédure c'est pénible, je suis d'accord, on est submergé par la paperasse, c'est pas moi qui vais le nier ; mais c'est pour protéger autant le vendeur que l'acheteur, et ça suffit en général à décourager les gens louches.
Quant aux tests de sécurité à effectuer sur la selle, Kitt en parle ici. Je rajoute qu'il faut impérativement vérifier la qualité des matelassures. Si ce sont des matelassures en laine sur une selle vieille de plus de 5 ans, vous pouvez parier que vous êtes bon pour les faire refaire, elles doivent être dures comme du bois, pleines de bourres et probablement asymétriques. Si ce sont des matelassures en mousse, y a moyen que la mousse se soit complètement détériorée, réduite en poussière quasiment, et qu'il faille également les refaire. Donc une potentielle bonne affaire peut voir son prix doublé quand il y a des travaux du genre à faire dessus. C'est pourquoi, avant de payer la selle, il faut pouvoir la voir, la toucher, et la tester (oui parce que j'ai pas parlé du fait qu'en plus du bon état de la selle, il faut qu'elle convienne également au cheval et au cavalier - enfin, logique, quoi).

Ensuite, il y a les selles en cuir de bonne qualité dites "industrielles", sans conseil à l'achat ou presque, et bien évidemment sans adaptation. Il y a certaines marques que l'on peut se procurer comme ça, en allant en magasin spécialisé, pour des budgets entre 1000 et 2500€ environ. Si on vous refuse l'essai, ou qu'on ne vous propose qu'un essai sur cheval d'arçon : passez votre chemin. C'est impératif. Il ne faut surtout pas encourager ce type de pratiques.
C'est par exemple pour CE cas de figure précis que j'interdis (oui là j'y vais fort, je sais) d'acheter une selle directement sur un salon. Non, non, non et non. Une selle, ça s'essaie. Si vous voulez acheter une selle sur un salon, vous donnez un chèque de caution ou que sais-je, vous repartez avec la selle à l'essai, mais surtout vous vous ménagez une façon de vous en débarrasser si ça ne va pas!
Après, ben, vous faites votre essai comme vous pouvez, vous essayez plusieurs selles (c'est mieux pour comparer), vous notez vos impressions et prenez des photos, puis vous faites votre choix. Si vous avez un cheval standard, ou que par chance la selle convient même s'il n'est pas particulièrement standard, vous avez de la chance.
Mais bien choisir une selle pour soi comme pour Doudou sans conseil d'une personne avisée, c'est vraiment compliqué. Ca peut prendre parfois des mois... A noter : il est rare qu'un coach constitue un conseilleur avisé, dans notre beau pays ; que ce soit pour le cheval comme pour le cavalier - j'ai l'air méchante mais c'est la vérité, ils n'ont aucune formation ou presque en saddle fitting, voire aucune sensibilisation ; trop souvent le choix d'une selle est réduit à "est-ce que ça convient à mon cavalier", quand ce n'est pas "est-ce que je vais toucher ma com de la part de mon sellier"... J'espère pouvoir écrire le contraire dans quelques années =) Fédération mon amour, si tu m'entends... (hem, autant pisser dans un violon)

Et puis il y a les selles d'artisans ou de grands selliers, que l'on se procure directement auprès d'eux.
Deux cas de figure :

1. soit c'est un artisan qui est loin de chez vous, et qui n'a pas l'armada commerciale nécessaire pour venir voir directement votre cheval. Le prix de la selle sera moins élevé (à partir de 1500€) vu qu'il n'a pas de frais commerciaux / marketing, justement (qui dans les frais de fonctionnement d'une entreprise coûtent une blinde). Il pourra vous conseiller à distance, et, en se basant sur des photos et un système de mesures qu'il aura mis au point, pourra vous fournir une selle a priori adaptée. Un bon sellier de ce genre connaît les chevaux, et si errare humanum est, c'est souvent une bonne piste à explorer - si l'on a le budget et un cheval pas trop compliqué non plus.
Si vous avez un artisan de ce type à côté de chez vous, profitez-en, c'est souvent chouette.
Une selle d'artisan coûtera cher, mais son prix sera justifié. Les matériaux nécessaires à la construction d'une selle de qualité coûtent en eux-mêmes cher (au moins 1000€ de fournitures si l'on achète en France), le savoir-faire pour la fabrication ça se paie, et il faut compter au minimum 20h de temps de fabrication pure, sans compter le temps passé à conseiller, à analyser les mesures, à faire les patrons, etc etc. Et évidemment, tout est fabriqué à la main ou avec des petites machines, dans un pays où le coût du travail est élevé : forcément ça s'en ressent sur le prix.
Bon après, évidemment, il faut échanger avec la personne et connaître ses valeurs. S'il est partisan du "un cheval c'est un cheval, une selle c'est une selle", fuyez (ou essayez de lui faire changer d'avis, mais bon courage) ; en revanche, s'il est d'accord avec vos principes et prêt à bosser avec vous, à assurer un suivi : c'est top, ça permet d'avoir une relation de confiance. J'aime bien faire bosser les artisans locaux : ça permet de continuer à faire vivre une tradition qui se perd un peu trop à mon goût...
Enfin, de votre côté, essayez quand même de ne pas être trop pénible quand même ;-)

2. soit vous vous orientez vers le monde merveilleux du grand sellier. Ils sont très à la mode par chez nous, et pour de nombreuses personnes, or de leur production point de salut.
Alors, oui et non. Surtout oui quand même. Heureusement, on peut vivre sans une selle de grand sellier, on peut même très bien monter à cheval sans. Ou on peut aussi en avoir une et très mal monter :p
Maintenant, ce sont souvent de chouettes outils. Honnêtement, entre une selle moyenne gamme et une selle haut de gamme qui ont toutes deux la bonne adaptation au couple cheval / cavalier, on sent une vraie différence, les matériaux sont plus travaillés, la conception vraiment affinée...
Ce sont des selles qui coûtent cher pour plusieurs raisons : comme dans le cas de l'artisan, les matériaux ont un vrai coût. Par contre, à l'inverse de l'artisan, ils ont des frais de structure, de marketing et de commerce très lourds, ils investissent souvent en R&D, ont de grosses campagnes de communication et de sponsoring : c'est pour ça que leurs tarifs sont exorbitants. Chez eux on paie certes un savoir-faire, mais on paie surtout et avant tout une image.
Les selles sont certes fabriquées à la main, mais elles sont manufacturées, c'est-à-dire qu'elles sont fabriquées dans une usine où les gens travaillent à la chaîne ; untel ne va faire que des quartiers, un autre ne fera que de l'assemblage mais sans en passer par la découpe ou l'encollage, par exemple. Ca fait bizarre, quand on se rend compte de ça ; le grand sellier n'est plus vraiment un artisan à l'ancienne, contrairement à ce que son slogan peut laisser parfois penser (on verra si vous trouvez de qui je veux parler :-)
Dans ce cas de figure, vous travaillerez avec un commercial, qui viendra voir votre cheval et vous trouver une solution adaptée. Alors, un truc que je trouve très drôle, c'est que la plupart vous vantent des selles sur mesure, et ne prennent aucune mesure. Ils connaissent généralement plutôt bien leurs produits et sont capables de dire en fonction des morphologies ce qui correspondrait, mais n'ont pas de preuve tangible sur papier (ou gravée dans le marbre, mais c'est pas pratique et ça coûte cher, le marbre). Du coup, entre eux et l'atelier, y a parfois de gros gros loupés... à mon avis y a clairement un système à améliorer, là. Ils vous diront tous que les mesures ça ne sert à rien, blablabla, qu'ils ont le compas dans l'oeil, blablabla... si vous voulez mon avis, certains d'entre eux se sont loupés avec le compas et se sont crevé l'oeil ;-)
Si vous choisissez de bosser avec ce genre de sellier, très bien. Mais méfiez-vous d'une chose : le discours enjôleur du commercial. Ces types sont très forts, souvent. Pour ça, et moins pour l'équitation. Donc ils vous vendent ce que vous voulez entendre, et pas ce que vous voulez acheter. Sachez que sur une zone géographique, vous avez au moins 5 commerciaux de grands selliers. N'hésitez donc pas à faire appel à tous, et à les mettre en concurrence ; vous choisirez celui qui d'une part à des produits qui vous correspondent (et ne vous arrêtez pas à la forme des surpiqûres, par pitié), et surtout celui dont le discours vous semble le plus cohérent, qui prend le temps de bien vous expliquer les choses, pourquoi il fait ci plutôt que ça, et qui vous garantit le meilleur SAV.

En fait, acheter une bonne selle, c'est une histoire humaine. C'est la relation entre le sellier et le cavalier qui détermineront la qualité des choses, c'est la capacité du sellier (ou du conseiller) à analyser les besoins et à proposer une réponse adaptée qui aidera le cavalier à mieux monter, le cheval à mieux fonctionner. Si moi j'ai un conseil à donner, le voilà : quand vous voulez acheter une selle, faites-vous conseiller directement par quelqu'un qui s'y connaît, quel que soit votre budget. Vous économiserez du temps et de l'argent (celui que vous ne mettrez pas chez l'ostéo pour cause de selle inadaptée, par exemple). Oui, bon, certes, c'est un plaidoyer pour ma profession. Mais c'est surtout une question de bon sens (mon père bosse au Crédit Agricole, je fais un peu sa pub aussi). Sérieusement, c'est le plus rationnel, le plus simple. Et si ça vous coûte peut-être un peu plus cher à l'achat (le conseil se paie), au long terme, vous êtes assurés d'un bon suivi, et vous êtes tranquilles.

Le risque, c'est de se laisser berner par les beaux parleurs. A vous d'éviter vendeurs de piscines et de porte-fenêtres ;-)