Avoir une selle sans étrivières ni étriers, c'est bien mignon, mais en soi ça ne sert pas à grand chose. Quitte à avoir une selle, donc, autant avoir les accessoires qui vont avec. Mais que choisir, et comment les choisir? Quand on voit les dizaines de modèles et de formes qui existent, c'est compliqué de savoir ce que l'on veut déjà, et surtout ce qui va être adapté à notre pratique. Petit débriefing sur la question.
Les étrivières, d'abord. Ah, qui n'a jamais hérité de magnifiques bleus sur les mollets pour avoir un jour eu la flemme de retourner chercher ses chaps dans la sellerie? (toute ressemblance avec une situation existante ou ayant existé serait purement fortuite)
J'étais persuadée d'avoir un jour pris une photo typique de mon mollet amoché,
mais non. Vous n'aurez donc pas le plaisir de voir mon gros mollet sur le blog.
Simple ou double épaisseur, cuir de buffle ou nylon doublée veau, forme anatomique ou classique, c'est un peu la fête à neuneu.
Alors déjà, niveau matière, si vous avez une selle dont les quartiers sont recouverts de nubuck synthétique (l'Equisuede chez Wintec, par exemple), évitez de mettre du cuir là-dessus, ça risque d'accrocher et de râper votre quartier. Utilisez les étrivières du fabricant, en général ça marche bien (la gamme d'étrivières Wintec pro, par exemple encore). A l'inverse, sur une selle en cuir, évitez les étrivières synthétiques, ça abîme.
Ensuite, en ce qui concerne les étrivières en cuir : le cuir doit être tanné au chrome, pour être le plus rigide, le moins étirable possible. Le cuir des étrivières ne doit pas être trop assoupli (huilé) quand les étrivières sont neuves, sinon elles risquent de se détendre. D'ailleurs pensez à vérifier de temps en temps qu'elles sont toujours à la même longueur (vous les mettez côte à côte et vous comparez l'emplacement des trous), et soit changez-les de côté sur la selle, soit montez régulièrement d'un côté et de l'autre pour les préserver. Plus vous monterez avec un montoir, plus vous éviterez ce genre de problème (tout en préservant le dos de votre cheval et en entretenant votre absence de souplesse ;-) )
Les étrivières cuir / nylon n'ont pas vraiment ce problème d'étirement. Par contre, elles s'abîment beaucoup plus vite, le nylon étant doublé de veau, cuir fin et fragile... Le fait de changer fréquemment leur longueur va accélérer leur détérioration. Elles sont donc à réserver pour les selles mono-cavalier, et mono-discipline (dans le monde idéal de l'étrivière évidemment).
En terme de format, on a l'embarras du choix. C'est la discipline principale pratiquée avec la selle qui dictera le choix de l'étrivière. En dressage, les étrivières simple épaisseur seront privilégiées : pas de boucle sous le petit quartier, une seule épaisseur, bref ça va dans le sens de la recherche de la proximité au cheval. Souvent équipées de boucles Conway, un peu pénibles à régler, ou alors de crochets, comme chez Wintec ou Prestige, par exemple.
Les étrivières Wintec à crochets
Des étrivières à boucle conway
En CSO ou en cross, l'étrivière "normale" est mieux, car sa double épaisseur et le système d'attache avec la boucle au niveau du couteau la rendent plus solide pour la monte en équilibre. Et comme on monte beaucoup en équilibre, on s'en fiche d'avoir de l'épaisseur...
On notera l'existance d'étrivières classiques améliorées, comme le modèle que Michel Robert a développé avec les Ateliers de Pravins (artisan sellier du Beaujolais, que j'ai croisé une fois sur un concours, du beau boulot qu'il fait!)
Mais oui elle est belle ton étrivière Michou ;-)
Y a aussi CWD qui a sorti des étrivières triangulées (que l'on attache d'une part au couteau d'étrivière, d'autre part à l'un des contre-sanglons), mais je crois qu'elles sont interdites en compétition à cause de cette attache au contre-sanglon, qui ne permet pas le dégagement total de l'étrivière.
Et chez Freejump, il y a une étrivière bizarre, un mix d'étrivière classique et d'étrivière mono-épaisseur, que j'utilise avec ma selle et mes superbes étriers roses (enfin, ceux que Valérie me prête gracieusement, je les aime bien!), pas mal mais la boucle a abîmé le cuir de mon quartier à cause du frottement. Bon, ça m'est égal à moi, mais faut le savoir, ça peut faire bobo.
En endurance ou en randonnée, bref en "monte au long cours", les étrivières "anatomiques" comme ils disent chez Gaston Mercier et les fenders sont très appréciés : ça permet de monter sans bottes ni chaps sans pour autant se faire pincer le mollet entre deux épaisseurs d'étrivières ou entre l'étrivière et le bas du quartier de la selle (si quartier il y a). Néanmoins, d'après ma copine Ariane, cette randonneuse au long cours, ça permet quand même pas de monter en short, si on sue, le cuir ça colle. Je vous en dirai plus moi-même, puisque je lui ai racheté ses fenders pour pouvoir monter en jean peinarde ^^ (jean sans couture à l'intérieur de la cuisse, of course)
C'est eux! Bientôt chez moi pour agrandir ma collection!
A noter que les fenders sont d'ordinaire utilisés sur des selles sans quartiers, originellement sur les selles western, et qu'ils ont été récupérés par d'autres disciplines pour le confort qu'ils procurent. En fonction des modèles, on les utilise donc soit sur une selle classique, soit sur une selle sans quartiers, qu'elle soit de type western, anglais, australien, ou que sais-je encore!
Voilà pour les étrivières, à vous de faire votre choix, en fonction de vos besoins et de votre porte-feuille... attention quand même aux modèles trop bon marché qui sont souvent très bas de gamme, vérifiez toujours la solidité des boucles et des coutures avant d'acheter quoi que ce soit! une étrivière qui lâche, ça peut être plutôt dangereux.
Les étriers, maintenant. Ah, les étriers! Quelle géniale invention, et quelle invention diabolique en même temps (bonjour pour les garder au trot assis sur un PanzerPferd teuton).
Petit point "le saviez-vous" : les étriers sont une invention bien plus récente que celle de l'équitation elle-même, puisque la première représentation d'étriers date du 3e siècle après J-C, alors que Xénophon a écrit le premier traité d'équitation (très bien, d'ailleurs) au 5e siècle avant notre ère. Ils sont probablement apparus chez les peuples cavaliers des steppes asiatiques, qui se frittaient régulièrement avec les Chinois. Les Chinois, toujours amateurs d'innovations, ont récupéré le procédé (c'est sur un vase chinois qu'on voit la première représentation d'étriers ever). La diffusion vers l'Occident s'est effectuée lors des migrations du 6e siècle du peuple "Avar" (inconnu à mon bataillon jusque alors) - vers la Hongrie et l'Empire Byzantin (qui sont les + forts à Age of Empires II, et une civilisation absolument fascinante). Leur usage ne s'est vraiment installé en Europe Occidentale qu'au début du Moyen-Age. Ils ont permis le développement de la cavalerie lourde : la chevalerie. Auparavant, les combattants cavaliers utilisaient des lanières dans lesquelles ils passaient leurs pieds, mais ce n'était pas très solide, du coup c'était plutôt une cavalerie légère de raids qu'une force armée puissante. Impossible donc de mener une charge en armure complète et d'encaisser le choc d'une lance se brisant contre l'ennemi sans point d'appui pour les pieds. Par contre, avec des étriers en métal bien solide, là on parle.
Aujourd'hui, les étriers ont toujours cette vocation d'appui et de stabilisation du cavalier. Mais je voudrais signaler que s'ils sont certes importants, ils ne font pas tout! Tout le poids du cavalier ne doit pas être supporté par les étriers, et ce truc d'appuyer sur ses talons comme un cinglé, ça n'a pas vraiment d'intérêt... ce qu'il faut comprendre c'est que le talon doit descendre naturellement parce que la jambe, pour adhérer de tout son long au cheval, doit "tomber" vers le sol. Plus l'étrier sera raccourci, plus le talon descendra. Mais il ne faut pas appuyer sur le talon pour faire descendre la jambe, ça n'est bon qu'à raidir l'ensemble et à vous donner la grâce d'un manche à balai.
Bon, les étriers. Comme les étrivières, il en existe de tous types, adaptés à différentes pratiques.
On a les trucs standard de chez standard :
Après, y a les standards améliorés pour X ou Y pratique, par exemple en dressage, les gens sont omnubilés par la position de leurs pointes de pieds, donc ils compensent, soit par des étriers à branches asymétriques, soit par des semelles compensées :
Personnellement je n'en vois pas bien l'intérêt, le parallélisme de la pointe de pied s'obtenant plus par une bonne position de la jambe sur son plat que par des artifices comme ça.
Par contre, un truc génial et qu'on trouve très difficilement, c'est l'oeillet perpendiculaire à l'étrier, ça permet d'avoir l'étrivière bien sur son plat, et de retrouver immédiatement l'étrier quand on le perd. A ma connaissance, y a que quelques modèles sur lesquels on trouve ce truc :
Les étriers Enlightened Equitation par Heather Moffet, en Angleterre.
Les étriers de dressage parfaits à mon goût, sauf qu'elle ne les fait qu'en 11cm,
ce qui est trop étroit à mon goût.
Les étriers Awantec, bien dans le principe, mais plancher incliné bof
Les étriers islandais,
avec branches de sécurité pour permettre un dégagement rapide du pied
Les étriers FreeJump, mes chéris même s'ils sont bizarres,
eux aussi avec branche de sécurité souple
Je comprends juste pas pourquoi c'est pas plus fréquent de trouver ce truc. Enfin si, le moule doit coûter plus cher à fabriquer...
On notera que les deux derniers étriers présentés sont équipés de trucs de sécurité. Ca, c'est très important. Qui n'a pas vu Seabiscuit et n'a pas été traumatisé par l'accident de Red? (en gros il se vautre, son pied reste coincé dans l'étrier, le cheval s'emballe et il se fait traîner - classique. Et bim la jambe en 12 morceaux!) On aura donc soin d'avoir soit un couteau d'étrivière qui peut libérer facilement l'étrivière, soit d'avoir un étrier dont on peut libérer facilement le pied, soit au moyen de branches déportées, soit un étrier fermé. Les étriers fermés, ça peut être soit au moyen de tapaderos (des pièces de cuir qui ferment l'avant de l'étrier), soit en mode "chausson grillagé", comme en endurance ou en Camargue.
Etriers avec tapaderos
Etriers Etrical
On remarquera que plusieurs des étriers que j'ai montrés ont une semelle large, voire carrément un plancher. La semelle large, c'est une bénédiction de Dieu. Surtout quand on passe de longues périodes en selle. En fait je n'y vois que des avantages : en dressage, ça donne plus de stabilité sous le pied. En obstacle, on a une surface d'appui plus large. En cross, on est plus à l'aise pour être en équilibre. Idem en endurance - d'ailleurs, en endurance ou en randonnée, avoir une surface d'appui large, l'air de rien, ça limite les douleurs d'un appui prolongé sur une barre étroite. D'un point de vue "circulation sanguine" ça doit être meilleur, j'imagine. Genre les Etrical ci-dessus, c'est des chaussons, au sens propre.
Bon y en a qui ont pris le terme "plancher" au sens propre, les inventeurs des K'vall :
Paraît-il que quand on a des soucis articulaires aux jambes, c'est magique. Apparemment la Fédé a lancé une note interne interdisant leur usage en compétition, sans vraiment trop donner de raison (ce serait pour des questions de sécurité, mais d'après plusieurs utilisateurs c'est un faux prétexte), et plusieurs cavaliers se sont vus assignés en commission de discipline pour les avoir utilisés malgré tout. Cependant il semblerait que cela n'ait aucune valeur juridique, d'après mon informateur ;-)
La marque Freejump a aussi sorti un autre type d'étriers de sécurité, les X'up, plébiscités au plus haut niveau de CSO, qui s'accrochent à la chaussure du cavalier avec un système de fixation similaire à celle des pédales de vélo de course. Impossible de perdre son étrier sur les barres, mais impossible de se faire traîner par le pied non plus. Problème, ça coûte un bras, et en plus faut avoir les chaussures qui vont avec.
Rolf Goran Bengtsson, l'un des meilleurs cavaliers de CSO actuels
(champion d'Europe et vice-champion olympique)
Enfin, la matière dans laquelle est réalisée l'étrier compte énormément. Souvent, les trucs en plastique "composite" sont trop légers et ne donnent pas la possibilité d'avoir une bonne fixité de jambe. En plus quand on les perd on galère pour les retrouver. Mais les étriers classiques en inox sont souvent lourds, et bonjour les bleus aux malléoles. Les étriers en alu sont souvent bien en terme de poids, et les étriers en plastique de bonne qualité sont lestés et bien équilibrés - genre les FreeJump, j'y reviens, mais je les aime bien.
Voilà! je crois que j'ai fait à peu près le tour de la question... comme d'hab, si vous avez des questions, n'hésitez pas, et si vous voulez suivre un peu l'actu du blog, n'oubliez pas le Facebook! Je signale au passage que diverses initiatives de "stages" saddle fitting commencent à se monter, donc contactez-moi par mail pour savoir s'il y a quelque chose vers chez vous. Et encore une fois, sur Facebook, vous aurez les dates...
Enfin, désolée pour le retard de publication de cet article, je crois que j'aurai jamais mis autant de temps à écrire (j'ai commencé le 22 juillet, oups...)
Bisous bisous!
EDIT : Lauriane me signale à juste titre que j'ai oublié d'aborder le sujet des étriers articulés. Quant à moi, je déteste ça cordialement, j'ai une cheville abîmée (entorse mal soignée, du coup gros manque de souplesse dans la descente du talon), les quelques fois où j'ai monté avec les étriers articulés (pourtant avec ce qui semble être le top du top, les Bow Balance de Sprenger) j'ai failli chouiner tellement ça me faisait mal en reposant les pieds par terre. Du coup j'ai du mal à en percevoir l'intérêt : pas bon pour les cavaliers hyperlaxes parce que ça renforce l'hyperlaxité des articulations, pas bon pour les cavaliers avec des raideurs articulaires parce que ça tire sur des articulations qui n'ont plus forcément la souplesse pour encaisser ça... Ca laisse le cavalier lambda sans bobo, mais j'ai peur que ça prenne la place du jeu nécessaire des articulations de la jambe pour une équitation biomécaniquement efficace. Je pense qu'il serait intéressant d'avoir l'avis d'un ostéo ou d'un kiné humain qui aurait eu affaire à ces choses, soit en tant que cavalier, soit avec bonheur pour l'un de ses patients. Je demanderai à Marie, tiens.
Et Alix m'a demandé également de parler des étriers à marche-pied intégrés, pratiques pour les petites pattes sur grands chevaux (en cas d'absence de montoir surélevé, je rappelle cela dit que le montoir depuis un tabouret ou autre talus / souche / rocher reste l'option la plus gentille et la plus efficace tant pour votre cheval que pour vous).
Pour ma part j'ai les étrivières wintec à crochets en synthétique.... Bin je t'avoue que ça vieillit pas très bien je trouve. Ça s'étire, marque méchamment au niveau du crochet.
Par contre, c'est très discret une fois en selle, sur ma dressage c'est plutôt chouette.
Niveau étrier, étrier de sécu' à élastique. Je sais pas si c'est réellement efficace, je me suis jamais coincé le pied. ^^
Par contre c'est hypra moche.