Mon dernier article, "Soyez un bon client", a soulevé quelques remarques tout à fait justifiées de la part de certains lecteurs. En effet, je n'ai traité qu'un seul aspect du problème, celui du bon sens, et puis je me suis laissée emporter par ma verve aussi, donc certains ont conclu que ce que je disais, c'était "devenez plus spécialiste que le spécialiste", et basta. Je me base donc sur la réaction de Kaarib, sur un forum, pour vous expliquer ce que je veux VRAIMENT vous dire.
Kaarib répond donc à mon article :
Moi j'aimerais défendre les feignasses qui ne cherchent pas à tout connaitre d'un sujet et qui font confiance au pro. Parce que c'est un peu le but du professionnel (véto, saddle fitter, maréchal ...) de nous expliquer le pourquoi du comment. Après faut qu'il soit honnête et que le client en face s'intéresse à sa bestiole.
Mais y a une réelle différence entre s'intéresser un tant soit peu à sa monture et ne pas vouloir éplucher les 15 derniers articles en anglais traduits du moldave sur un sujet pointu type "l'importance de la bactérie basilophilus tractus dans le maintien de la 4e phalange sur sol marécageux".
Puis bon toi tu savais pas ce qu'était une révision, tes clients ont le droit de ne pas tout connaitre (voire rien du tout) mais s'ils font appel à toi c'est qu'ils te font confiance pour apporter la bonne solution.
Elle met le doigt sur un point capital : la confiance qu'on peut avoir dans les pros qui nous entourent - comment en effet être sûrs qu'ils sont bien intentionnés???
J'ai donc répondu :
Kaarib, ça c'est un autre sujet : comment faire confiance à son pro? grande question. Cela dit la différence fondamentale entre le proprio de cheval et le proprio de voiture, c'est que le cheval, on l'achète par choix, c'est un loisir superflu ; la voiture, on en a besoin... donc en soi on devrait être au fait des besoins de l'outil du besoin... mais est-ce que si on achète un cheval par envie, on doit pour autant se désintéresser de ce qui le concerne? à mon sens, non! et encore moins que pour une voiture! parce que si ça nous intéresse, en lui, tout doit nous intéresser... enfin, c'est mon point de vue, et je comprends qu'on ne veuille pas nécessairement s'embarasser de détails archi-techniques sur un truc qui pour certains est un loisir, et donc ne doit pas être chiant.
Je ferais une fois de plus un parallèle entre la France et l'Angleterre. En Angleterre, il y a des instances supérieures qui contrôlent le travail bien fait, et si tu perds ton label, tu perds ta clientèle. En France le marché est dérégulé, pas d'instance de contrôle, donc pas de critère de jugement +/- objectif. On est donc obligé de pouvoir juger par nous-mêmes, et donc, pour pouvoir juger, de savoir de quoi on parle...
Donc en gros, la question revient à : comment choisir son sellier?
Là, je me base sur un mail d'Anne-Sophie, que j'ai reçu ce matin, et qui m'écrit notamment ceci :
c'est un peu flou dans ma tête depuis la lecture de votre blog... est ce qu'il faut faire confiance à des selliers réputés ou vaut il mieux se tourner vers quelqu'un qui vend un peu de tout ?
Ma réponse :
Quant à votre question... honnêtement je peux pas vous répondre. Pourquoi? parce que la réponse est VRAIMENT complexe. En fait, en soi le travail des selliers réputés est bon. Le problème, ce sont les commerciaux qui vendent les selles. Parce que certains d'entre eux sont excellents et ont une démarche qui est la même que celle d'un saddle fitter, et d'autres n'en ont que pour le fric et ne se préoccupent que d'une chose : vendre pour toucher la com'. Donc ceux-là vous vendront ce qui vous plaît le plus, en vous brossant dans le sens du poil...
Quant aux vendeurs multimarques, faut pas se leurrer non plus! c'est la même chose! en fait c'est une question d'éthique de la part du vendeur. Faut bien du fric pour vivre, mais est-ce qu'on a une conscience morale ou pas? bonne question...
Il faut donc savoir réfléchir, et être un peu cultivé... comme ça on fait venir plusieurs commerciaux, on teste leurs compétences et leur degré d'appât du gain, et on fait le tri entre ceux qui ont l'air honnêtes et ceux qui ne disent que ce que l'on veut entendre...
Voilà mon point de vue sur cette question de confiance. Dans ma façon de penser (mais ça reste un point de vue!), pour faire confiance, il faut connaître. Une confiance aveugle n'est pas bonne, et peut mener à faire de dramatiques erreurs de jugement où, dans le cas du saddle fitting, ce sera le cheval qui trinquera avant tout. Or le cheval, lui, n'a pas son mot à dire et ne fera que subir nos erreurs... ce qui m'amènera à causer culpabilité, la prochaine fois!
EDIT : Je voulais écrire un article sur la culpabilité, mais en fait, c'est pas long : je voulais juste vous dire d'arrêter de culpabiliser. Beaucoup de mails que je reçois commencent limite par "j'ai honte" et donnent un peu dans l'auto-flagellation. Arrêtez d'avoir honte, ça ne sert à rien et ça ne rattrapera pas les éventuels torts causés. Personne ne vous a appris les principes du saddle fitting, vous pouviez pas savoir. Voyez le côté positif : vous avez pris conscience, c'est bien.
Maintenant, agissez en connaissance de cause. Si vous n'êtes pas sûrs, faites-vous aider. Ne pêchez pas non plus par orgueil en partant de là ; ce n'est pas parce que vous avez lu le blog que ça y est, vous êtes saddle fitter. Demandez conseil, renseignez-vous, allez taquiner du sellier, ils détestent ça, vous verrez c'est marrant.
Par contre gardez aussi en mémoire que le mieux est l'ennemi du bien. Il faut savoir raison garder, en fitting comme en toutes choses, et arrêter de se mettre la pression pour rien. Quand une selle va, que le cavalier va, que le cheval va, ça ne sert à rien de vouloir "mieux". Sauf pour la science, mais ça vous regarde, vous et votre banquier. Mention spéciale à ma pote Fred qui doit en être à sa 50e selle achetée / revendue.
Bon week-end!
Ca marche pour plein de choses: on ne se laisserait pas forcément convaincre pour l'achat d'une nouvelle chaudière quand l'ancienne, certes vieille mais encore en état de marche, fonctionne très bien. Mais le vendeur va trouver plein d'arguments pour nous vendre la fameuse chaudière toute neuve, qui consommera certes moins et nous fera économiser plein de sousous à la facture, mais que nous mettrons 10 ans à amortir tous les mois, parce qu'à l'achat, ça coute cher!(ça il ne le dira pas)
Il faut essayer, comparer, faire des petits calculs, et ce pour tout. Ca marche pour acheter une nouvelle télé, pour essayer un nouveau produit, pour une voiture, et pour le cheval également!
La seule différence, c'est qu'avec le cheval, il y a la dimension affective qui rentre en compte, et si le maréchal (je prends cet exemple, car je l'ai vu malheureusement souvent) nous dit que pompom ne peut absolument pas vivre sans la ferrure à 150 euros que lui seul posera correctement, on a tendance à foncer tête baissée. C'est comme ça que j'ai vu un maréchal commencer à ferrer des 4 un jeune cheval (avec des fers trop petits bien sûr), puis ajouter des plaques (ben oui, avec les fers trop petits le cheval était mal, donc boitait), puis finalement mettre une ferrure spéciale. Pour un cheval de 5 ans, qui aurait très bien pu rester avec des petits fers simples à l'avant car pas de problèmes de pieds particuliers, ni d'aplombs...
Donc oui, il faut faire confiance. Mais avant de faire confiance, tester les gens en face, c'est pas mal non plus!