Or donc, les couteaux d'étrivières, à quoi que ça sert?

A suspendre les étrivières qui supportent elles-mêmes les étriers, oui, merci. La belle affaire. Mais encore?

Mais encore, ça sert à plein de trucs.

Pour commencer, comment ça tient sur la selle? réponse : c'est riveté dans l'arçon.

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Arçon d'une marque américaine, Tad Coffin, qui paraît-il sont très bien
si on cherche une selle de saut close-contact.
Sauf qu'on n'en trouve pas en Europe, à ma connaissance, comme ça c'est réglé.

Vous pouvez constater les 4 rivets qui attachent solidement le couteau à l'avant de l'arçon, entre l'arcade et le début de la bande d'arçon. Evidemment, la solidité du dispositif est cruciale! si les rivets venaient à péter, je vous laisse imaginer le problème... Enfin c'est comme tout : en théorie, si on achète une selle bon marché et fabriquée dans un atelier indien obscur par des petits nenfants, on a plus de chance d'acheter du matériel peu sécuritaire que si on achète une selle dans laquelle on investit un peu plus. Et attention aux selles d'occasion, vérifiez bien qu'il n'y a pas de jeu au niveau des couteaux d'étrivières (j'en parle dans mon article sur la vérification d'une selle d'occasion).

Sur les selles classiques, deux types de couteaux d'étrivières : les couteaux simples, comme sur la photo ci-dessus, ou les couteaux de sécurité, avec un petit clip qui s'ouvre pour laisser sortir l'étrivière en cas de chute (ça évite d'être traîné par le pied comme Tobey Maguire dans Seabiscuit - scène qui m'a faite pleurer, j'avoue, j'étais dégoûtée pour lui) :

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Dans le cas des selles de trail ou d'endurance (type Podium, par exemple), on n'a pas de couteaux d'étrivières, celles-ci passent directement par une fente pratiquée dans l'arçon.

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Bon on voit mal, mais légèrement à droite du milieu de la photo, vous remarquerez des fentes dans lesquelles on va glisser les étrivières. Ce système interdit les étrivières mono épaisseur ou les fenders qui s'accrochent aux couteaux par une simple boucle, il faut donc forcément avoir une lanière qui s'ouvre. Niveau sécurité, y a moins de risques que ça se décroche, certes, ce qui peut être ennuyeux quand on a une étrivière qui joue les Arlésiennes, mais c'est aussi un coup à rester coincé - donc à compenser par des étriers de sécurité fermés...

Dans le cas d'une selle sans arçon, c'est dans 8 cas sur 10 attaché à une bande qui passe en travers de la colonne vertébrale, et là bouh pas bien, gros point de pression en perspective sur la colonne du cheval. Vous pouvez mettre toutes les couches que vous voulez en-dessous, chaque cheval étant au fond de lui une Princesse au Petit Pois, y aura forcément un moment où ça ne sera pas bon puisque aucune pièce rigide ne permet de redistribuer le poids sur une plus grande surface portante. C'est précisément pour cette raison que les étriers sur une selle sans arçon ne doivent pas être utilisés pour s'appuyer, ça se répercute directement sur les apophyses vertébrales, et aïe. Donc : on n'utilise pas de selle sans arçon équipée d'un tel dispositif pour trotter enlevé longuement, galoper en équilibre ou sauter des barres.

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SAUF éventuellement si ce n'est pas attaché de cette façon. Par exemple, les couteaux d'étrivières des selles de la marque anglaise Fhoenix sont attachés sur des bandes latérales parallèles à la colonne ; ou les couteaux d'étrivières des selles de la marque allemande StarTrekk sont supportés par des bandes de plastique rigides qui courent tout du long de la colonne vertébrale et donc redistribuent les pressions longitudinalement au lieu de venir les faire porter sur la colonne. C'est pas encore hyper optimal, dans la mesure où la structure globale n'est pas rigide (et donc 1. finit par s'affaisser dans le temps 2. finit par s'affaisser sous le poids d'un cavalier trop lourd 3. les deux mon capitaine), mais c'est quand même mieux.

La photo ci-dessus me permet de rebondir sur le placement des couteaux d'étrivières. Sur cette photo on voit qu'on peut placer les étrivières en deux endroits, soit un peu en avant, soit un peu en arrière.

Ce placement est d'une importance capitale, car combiné à la forme du siège, il détermine le placement du bassin ET de la jambe du cavalier. Une selle qui a un siège et des couteaux d'étrivières bien placés par rapport à votre morphologie peut vous permettre d'avoir une équitation radicalement différente et un fonctionnement pratiquement parfait (ça ne remplace pas le tape-cul mais ça aide prodigieusement). Dans ce cas, les taquets deviennent pour ainsi dire inutiles... ma prof de dressage, elle, a carrément fait enlever les taquets de sa selle, tellement elle se sent bien uniquement grâce à cette combinaison siège / couteaux.

On choisira le placement des couteaux d'étrivières en fonction de deux paramètres : la discipline pratiquée (donc le type de selle) et la morphologie du cavalier.

Sur les selles de cross et d'obstacles, les couteaux sont plus en avant, parce que c'est plus facile de chausser court et de se mettre en équilibre assez haut et "plié" pour amortir les sauts sur des couteaux plus avancés. C'est en outre plus sécurisant d'avoir les jambes devant soi en cas de pile brutal du cheval devant une barre.

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J'irai pas, je te dis!!!!

En revanche, dans le cas d'une selle de dressage, de randonnée ou d'endurance, on recherche une position plus "debout", plus verticale. En effet, monter avec les articulations très pliées façon obstacle, c'est fatiguant à la longue pour les cavaliers d'extérieur ; et en dressage, on recherche la verticalité de sorte à pouvoir avoir les jambes qui englobent le cheval, à amortir les mouvements du cheval plutôt avec le bassin qu'avec le jeu des articulations de la jambe (enfin disons qu'en obstacle, on amortira pratiquement rien avec le bassin et on prendra tout dans les genoux et les chevilles, alors qu'en dressage, ce sera à 70% récupéré dans le bassin, les lombaires et l'articulation coxo-fémorale, le genou et les chevilles n'encaissant plus que 30% des chocs). Et puis c'est plus élégant d'être "debout" sur son cheval qu'avoir la position "crapaud sur une boîte d'allumette".

Voilà une petite illustration tirée d'une article sur les selles d'endurance, paru dans le Cheval Arabe du mois d'avril dernier. C'est assez parlant je trouve.

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Bon, c'est pas forcément hyper parlant, dans la mesure où on va avoir des selles d'endurance avec des couteaux plus avancés que ça, et des selles de dressage avec des couteaux plus reculés que ça... sur la Isabell Werth de Wintec, par exemple, les couteaux sont bien plus reculés :

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Ou une selle de chez Childéric (ici la DFL) :

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Le deuxième point à propos du placement des couteaux d'étrivières, c'est la morphologie du cavalier.

J'en ai déjà parlé sur le blog, il y a une vraie différence entre la morphologie féminine et la morphologie masculine au niveau du bassin, de l'ouverture de l'articulation coxo-fémorale et de la longueur des jambes. Je vous laisse regarder par ici.

Et voilà une vidéo où l'on explique comment on détermine le placement du dit couteau d'étrivière (à la partie 2, désolée c'est en anglais) :

En gros, ce qui se dit chez Schleese, c'est que la différence entre les placements des couteaux d'étrivières pour un homme ou pour une femme tient au fait qu'un homme a proportionnellement un fémur moins long et un bas de jambe plus long qu'une femme, qui quant à elle aura plutôt de longs fémurs et des bas de jambes plus courts. Donc pour que l'étrivière et l'étrier permettent la verticalité de la position avec le pied sous le bassin, la place du couteau d'étrivière est primordiale. Chez l'homme, elle pourra être avancée, puisque le bas de jambe recule suffisamment pour ramener le pied sous sa fesse ; en revanche chez la femme, il faudra reculer le couteau d'étrivière pour obtenir une bonne verticalité.

A noter que certaines marques de selles proposent des couteaux d'étrivières que l'on peut régler, comme chez Free'n'Easy par exemple :

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La Prestige Atena quant à elle offre deux positions d'étrivières, au choix (mais je trouve pas de photo, c'est ballot).

Bref sur quelques selles on peut moduler soi-même, en fonction de ce que l'on recherche, le placement de l'étrivière, et c'est pas mal du tout.

A noter que j'ai été très surprise, quand j'ai posé la question chez Antarès de savoir si l'on pouvait reculer le couteau d'étrivière sur la selle de dressage, qu'on me réponde que non, ou de très peu (1 cm, autant dire que dalle). Est-ce que c'est pour cela que plusieurs cavalières ayant testé la selle de dressage de chez Antarès m'ont dit avoir trouvé qu'elle mettait la jambe en avant? C'est possible. Enfin, y a plusieurs marques comme ça qui font des selles de dress avec les couteaux avancés, qui ne proposent pas de pouvoir les reculer et qui pour contrebalancer ça, installent des gros taquets pour coincer la jambe en arrière. C'est un peu dommage, ils se privent de la possibilité de pouvoir proposer de vraies selles de dressage...

Voilà! J'ai rien oublié?