Depuis 15-20 ans, grâce au regretté Dr Giniaux notamment, on a vu l’ostéopathie se développer en France. Nombreux sont les gens de cheval (cavaliers, éleveurs, instructeurs) qui ont inclus dans leurs habitudes la visite de l’ostéo à échéances régulières. Ces personnes ont également acquis, souvent grâce à un travail de pédagogie, le réflexe d’observer leur cheval et d’appeler l’ostéopathe quand ils constatent un changement dans la locomotion, la souplesse ou le comportement de leur cheval, pensant que ces changements peuvent intervenir à cause d’une douleur ou d’un blocage. Ce comportement va dans le sens d’une meilleure attention portée aux chevaux.
Je passerai rapidement sur le développement des pratiques similaires, comme l’étiopathie, le shiatsu ou l’acupuncture, de même que la pratique du « cheval pieds nus » ou d’une maréchalerie moins invasive (fers plastiques, fers collés, hipposandales), ou encore l’expansion de la dentisterie équine, qui vont dans le même sens que l’ostéopathie. D’une médecine purement allopathique, qui fonctionne uniquement par le traitement de la douleur sans forcément en rechercher les causes, on tend à passer dans un système holistique, qui considère l’être vivant dans son entier, et qui se veut plus préventif que curatif (on fera ici le parallèle avec les médecines asiatiques, qui existent depuis des millénaires et fonctionnent très bien). J’ai cité plein de spécialités différentes, je ne dis pas que toutes sont obligatoires, hein ! Il suffit « simplement » d’être à l’écoute de son cheval, et de se poser les bonnes questions à son égard (de sorte à pouvoir obtenir les bonnes réponses !)
Alors attention ! Le vétérinaire a complètement sa place dans tout ce système, il en est même la clé de voûte. Mais un bon vétérinaire se doit, justement, de fonctionner DANS ce système, il ne doit pas croire qu’il est l’unique artisan de la bonne santé du cheval (si oui, soit c’est Dieu –mais impossible, le job est déjà pris – soit il est mégalo). On aura cependant toujours besoin de ses services, pour les vaccins, les blessures, les boiteries, les maladies, les radios, et les traitements en tous genres (rien n’est plus doué qu’un cheval pour vider votre porte-monnaie, avec un grand don pour se mettre dans toutes les situations improbables…). DONC : un bon vétérinaire, c’est la base, et s’il peut fonctionner en harmonie avec les autres praticiens, c’est tant mieux. Et s’il peut recommander un réseau de bons spécialistes, c’est ENCORE mieux.
Mon Billy a vu l'ostéo après le débourrage pour être sûr que ça n'avait pas fait "aie le dos"
En permettant à l’animal de se développer et d’évoluer dans de bonnes conditions, on se rend compte que l’on prolonge sa longévité, que l’on évite de nombreux problèmes de comportement, et que l’on améliore sa relation à l’animal et sa pratique équestre. Dans une équitation de loisir (par opposition aux professionnels), ça tombe sous le sens : on traite son animal comme on se traiterait soi-même, puisqu’il fait partie de la famille, c’est un animal de compagnie. Dans la vision professionnelle de l’équitation, on comprend de plus en plus que l’exploitation de l’animal, qu’elle soit commerciale (élevage, vente, club hippique) ou sportive (compétition), est forcément rentabilisée si le bien-être du cheval est mis en avant.
« Mieux vaut prévenir que guérir », ce vieil adage de la sagesse populaire n’a rarement été plus vrai qu’aujourd’hui en matière de santé équine.*
Du docteur à gogo dans le Malade imaginaire
Quant il s’agit d’équitation, toujours dans le souci du bien-être du cheval, on prête donc un grand intérêt aux tapis moelleux, aux amortisseurs en gel de l’espace, aux guêtres en mouton, aux mors anatomiques, aux têtières déportées… Mais quid de la selle ?
Trop de cloche dorée tue la cloche dorée
J’ai déjà expliqué en long, large et travers pourquoi son adaptation au dos du cheval était vitale, je n’y reviendrai pas en détails ici (vous trouverez suffisamment d’autres articles à lire sur le sujet dans ce blog !)
C’est un outil dont la fabrication est très précise, elle requiert une grande expérience et un savoir-faire tout aussi important. C’est également un outil dont l’adaptation à chaque cas particulier (chaque couple cavalier/cheval ETANT un cas particulier) demande expérience et savoir-faire. Et pourtant, son achat est en libre-service ! Qui, parmi mon lectorat, s’est jamais fait conseiller par un sellier lors de cet achat, autrement que pour l’adaptation au cavalier (qui consiste en gros à un « vous faites quelle taille de pantalon ? bon, ben il vous faut ça. Pour le cheval ? Oh, ça va à tous les chevaux. Ca fera un SMIC et demi, bon week-end et bonjour chez vous ! »)? Pourtant, c’est un spécialiste qui devrait avoir à déterminer de quelle selle le cheval a besoin, celui-ci étant incapable de parole et n’ayant absolument pas son mot à dire dans cette acquisition !
Le seul truc que je comprends, c’est qu’une selle, ça coûte cher. Et le conseil, ça rajoute un surcoût (pourtant dérisoire par rapport au prix de la selle en elle-même). Alors trop souvent, on va voir des cavaliers rentrer tous contents d’EquitaLyon ou du Padd le plus proche, avec une selle flambant neuve sous le bras, sur laquelle ils ont eu une super promo. Bien. Soit. Mais quid des factures véto pour boiteries inexpliquées, quid des factures ostéo pour garrots coincés, quid des infiltrations tous les 6 mois pour cause de dorsalgie aigüe, qui s’atténuent lors des périodes de repos et reviennent en force dès que le travail monté reprend ? Quand on fait le total, la promo qu’on a eu sur la selle, elle est bien vite effacée… **
Je déjeunais l’autre jour avec un vétérinaire équin, qui a passé 10 ans de sa vie en Angleterre, et qui a épousé une Anglaise. Il me disait que dans la majeure partie des cas, en Angleterre, si un cheval au travail a mal au dos, on consulte la Sainte Trinité : ostéo, véto… et saddle fitter. Qui en France appelle son sellier si le cheval a mal au dos ? qui va faire le lien entre selle et douleur ? Voilà, bonne question. Son épouse, qui s’occupe notamment des factures de son véto de mari, était effarée par le nombre d’infiltrations d’antidouleurs qu’il prescrivait. Et celui-ci de renchérir « de toute façon, je peux dire ce que je veux, les gens s’en foutent, ils veulent des infiltrations, mais jamais au grand jamais changer de selle, celle-ci leur ayant été vendue par un commercial qui a su toucher leur fibre fashion ». Apparemment, les pires sont les cavaliers de CSO. Amateurs de mikados, tenez-vous le pour dit ;-)
Et Thierry Civel, revendeur de la marque Prestige et l’un des très rares à les vendre en France comme ce qu’elles sont, c’est-à-dire de très bonnes selles avec des dizaines de possibilités d’ajustement au dos du cheval et non comme de vulgaires Eric Thomas, d’enfoncer le clou avec cette anecdote : « J’ai vu de nombreux commerciaux, appelés au cas où le cavalier aurait fait le lien "selle inadaptée > dos douloureux", reprendre la selle d’occasion et la remplacer par une selle neuve… la plupart du temps, exactement la même ! » Lui et moi rigolions jaune tellement c’est classique, Glenn quant à lui ne rigolait pas du tout car dans l’incompréhension la plus totale.
C’est juste une technique pour augmenter leurs ventes, et donc, dans le même temps, de se faire plus de commission. Et c’est bien le problème avec un système qui fonctionne par des représentants directement attachés à la marque. Dans tous les autres pays, ce sont les fabricants qui achètent des selles à diverses marques, et qui les revendent en se faisant une marge dessus. Ils n’ont donc absolument pas intérêt à fonctionner comme ça, parce que très rapidement, les gens vont s’en rendre compte, et leur réputation va baisser, donc leurs profits aussi. En France, comme on fonctionne par marques, on ne s’attache pas à la réputation des personnes, mais à la réputation des marques ! Or, au sein d’une même entreprise, on peut avoir des bons… et des cons.
Mais concrètement, si une selle ne va pas, pourquoi la changer ? Pourquoi, juste, ne pas l’adapter ? Réponse française : parce qu’on se fait plus de fric comme ça. Réponse anglaise : beaucoup plus nuancée, vous vous en serez doutés.
Les Anglais ont eu, pendant très longtemps, une tradition de chasse à courre. Les chevaux étaient au pré 6 mois dans l’année, à la chasse les 6 autres mois (grosso modo). Vous vous doutez bien qu’au bout de 6 mois de pré, ils étaient démusclés et tous gros, au bout de 6 mois de chasse, très bien musclés et « fit ». On avait donc des changements de conditions parfois extrêmes entre ces deux situations, avec des largeurs d’épaules passant du double au simple à mesure que le gras fondait, des lignes de dos affaissées qui se remontaient grâce aux muscles, etc. Or, pour encaisser une journée de chasse, il fallait avoir une selle de bonne qualité, qui d’une part garantissait la sécurité du cavalier lors du franchissement de divers obstacles, qui d’autre part garantissait le confort du cheval, pour qu’il puisse tenir le coup sur toute la saison sans avoir mal. Nos buveurs de thé, donc, mettaient un point d’honneur à avoir des selles bien faites, et ajustées en toutes circonstances. Le sellier venait donc au minimum deux fois par saison pour ajuster la selle, une fois sur la selle du gros cheval démusclé en début de saison, et une fois vers le milieu de la saison, une fois que la condition s’était refaite. On pouvait avoir une seule selle si le changement de condition n’imposait pas un changement d’arçon ; ou deux selles, si le changement était tel que l’arçon ne pouvait pas suivre. Et les ajustements des panneaux faisaient le reste.
Taiaut!
Aujourd’hui, la pratique équestre est différente. Elle est souvent bien plus uniforme tout au long de l’année, donc ne nécessite plus 2 visites du saddle fitter par an. En général, une visite sera souhaitable au printemps, une fois que le cheval retrouve l’herbe riche des prés et tend à prendre un peu de « volume ». Ca coïncide souvent avec la reprise de la saison de concours, donc c’est tant mieux, on est sûr de pouvoir aborder sa saison tranquillement, avec un matériel adapté. Pendant la séance de vérification de la selle et son éventuelle modification, le sellier regarde également si elle tient toujours la route : pas de problème avec l’arçon, les couteaux d’étrivières ou les contre-sanglons. C’est un peu comme le contrôle technique de la voiture, en fait. C’est une vérification de sécurité !
Vous comprenez donc le souci essentiel d’un cavalier anglais : une selle de bonne qualité, durable dans le temps, et qui permet au cheval d’être confortable au boulot. Rien à voir avec notre point de vue français, qui exige avant tout une selle très technique et très « design », et où l’adaptation finalement n’est que secondaire (pas forcément de notre faute : on n’est pas éduqué à ça, à la base !). C’est assez flagrant : mettez un Français face à une Barnsby, d’aspect robuste, et face à une Jean-Michel, il ira spontanément vers la Jean-Michel car cuirs de veau bien plus fins, surpiqûres élégantes, et panneaux fins. C’est un peu pour ça qu’on trouve que les selles de fabrication anglaise sont moches, en général : c’est parce que le design est secondaire pour eux !
Enfin, tout ça pour en revenir à mon parallèle avec l’ostéopathie : le saddle fitter, au même titre que l’ostéopathe, devrait être consulté sur une base régulière. Le cavalier doit être certain qu’il peut continuer à monter son cheval en toute sécurité, et avec la garantie que la selle ne blessera pas son cheval au niveau du dos. Après, s’il rencontre d’autres problèmes, c’est, dans l’ordre, comme disait Thierry l’autre jour « la faute du mors, la faute du coach, la faute du sol, la faute de la météo, la faute du cheval, la faute de l’amortisseur, la faute du tapis, la faute éventuellement de la selle… mais jamais sa faute à lui ! »
*Quant aux diverses polémiques sur l’excès de prévention, en grande partie engendrée par le lobbying des laboratoires pharmaceutiques vétérinaires, on y reviendra.
** Pour info, une visite "saddle check", c'est environ 100€, et s'il faut travailler à reflocker la selle, 150€ pour un changement complet de la selle, ce qui n'arrive que rarement. Compter 100€ pour un tapis de bonne qualité, même prix pour un amortisseur / correcteur au besoin (ce qui n'est pas le cas quand on a une selle qui va bien). Soit, si on amortit ça dans le temps, une centaine d'euros par an*** pour être certain que tout va bien, et qu'on peut monter en toute quiétude sans avoir peur de blesser son cheval. Moins cher que le CT d'une bagnole!
*** sauf si on est une poonseuse finie et qu'on achète des dizaines de tapis tous les 4 matins ;-)
Voilà, je lis depuis quelques temps ton blog et je me pose pleins de questions sur ma selle, surtout une si elle est adaptée...
J'aurai aimé savoir où je pourrai trouver un saddle fitter?
Je suis ds le 28
Merci d'avance