Je vous laisse lire, puis je commente après.
Longueur, largeur, style, adaptation : les 4 paramètres du saddle fitting,
par Alan Williams (directeur, à l'époque, d'un magasin de sellerie en Angleterre)
Ce pourrait être une généralisation un peu radicale, mais pourtant peu éloignée de la vérité, que de dire que peu de selliers ont une bonne connaissance du cheval. De même, peu de cavaliers savent comment se fabrique une selle, ou comment elle s’adapte au cheval.
Les cavaliers qui viennent nous voir en espérant régler un problème avec leur selle (quel qu’il soit, bien que le plus souvent ce soit un problème de frottement ou de gonfles autour du garrot) font la plupart du temps preuve d’une connaissance très limitée en terme d’adaptation.
La longueur du siège est connue de la plupart, certains sont capables de déterminer la largeur de l’arçon – irrémédiablement medium – mais pourquoi ça ne va pas à leur cheval, ça, c’est un mystère pour eux.
Peu d’entre eux rencontreront des problèmes si la selle a été ajustée à leur cheval par un bon sellier, le bon sellier type étant une personne qui se rend sur place avec plusieurs selles, les fait toutes essayer et sélectionne ainsi la plus adaptée. C’est le meilleur moyen d’éviter des problèmes futurs. Utiliser les services d’un professionnel expérimenté et compétent, c’est juste faire preuve de bon sens.
Pour ceux qui décident de se débrouiller seuls, il sera difficile de pouvoir juger de l’adaptation sans en connaître les principes ; dans ce cas, on aura souvent des erreurs d'appréciation, et donc, des problèmes à prévoir.
Choisir la longueur
Les selliers expérimentés sauront déterminer d’un coup d’œil la bonne longueur du siège pour le cavalier. Cependant, si vous choisissez vous-même votre selle, attention à une chose : on a tous tendance à penser que l’on est plus mince ou plus gros que ce que l’on est réellement, et on peut se retrouver à être coincé dans une selle trop petite, ou à flotter dans une selle trop grande, sur une erreur d’appréciation !
La meilleure chose à faire est de s’asseoir sur plusieurs selles de tailles différentes, et de voir quelle taille est la plus adaptée, à la fois pour les jambes et pour le fessier. Un bon sellier vous laissera faire ça sans problèmes dans son magasin, et vous aidera dans le choix.
Deux qualités d’une bonne équitation sont la relaxation et l’équilibre ; deux choses impossibles si l’on est mal assis dans sa selle !
Dans certains cas, une selle avec des panneaux plus longs sera nécessaire, notamment dans le cas de selles d’extérieur sur lesquelles on rajoutera des sacoches ; si le cheval a un dos court, on risquera de créer des problèmes au niveau des lombaires. Dans ce cas, l’avis d’un sellier expérimenté sera impératif.
Déterminer le style
A l’achat d’une selle, on aura le choix entre selle de dressage, selle d’obstacle, selle de cross… et l’on ne saura pas où donner de la tête ! Les selles mixtes sont les plus répandues, parce que la plupart des cavaliers ne sont pas spécialisés et n’ont donc pas besoin d’une selle spécifique. En outre, ils n’ont pas forcément les moyens d’avoir une selle / discipline pratiquée !
La discipline n’est pas le seul critère à prendre en compte ; le type de monte du cavalier et les particularités du cheval sont à retenir également. Encore une fois, ce sera le travail du sellier de déterminer le type de selle à retenir au cas par cas.
Sans aucun doute, une selle adaptée permettra d’améliorer considérablement la qualité de votre équitation !
Un jour, un cavalier essayait l’une de nos selles, et déclara se sentir un peu « étrange » dans cette selle ; ce à quoi son instructeur, qui assistait à l’essai, rétorqua que c’était normal, puisque la selle le plaçait enfin dans une position correcte !
La bonne largeur
C’est là que sont commises les principales erreurs. La plupart des cavaliers n’ont pas conscience que les selles sont disponibles en plusieurs largeurs, et ne savent pas pourquoi ni comment telle largeur est la plus adaptée à leur cheval.
La plupart des fabricants proposent trois à quatre largeurs d’arçons : étroit, normal, large, et parfois extra-large. Cela suffit à équiper environ 90% des chevaux et des cavaliers. [ce n’est pas du tout vrai en France, dans les selles cuir bas de gamme type Eric Thomas ou Henri de Rivel, qui n’ont souvent qu’une seule largeur] [et maintenant, avec les Wintec et autres selles à arcades interchangeables, la donne a un peu changé, on trouve un peu de sensibilisation du public à cet égard, MAIS ils ne savent pas que la largeur ne fait pas tout!]
La chose importante à savoir, c’est de savoir laquelle de ces largeurs est la bonne pour le cheval. Une selle trop large basculera sur le garrot, et engendrera des frottements douloureux sur celui-ci. Une selle trop étroite concentrera le poids du cavalier sur les pointes de l’arçon (de part et d’autre de l’arcade de garrot), ce qui créera gonfles, poils blancs et, à terme, des atrophies musculaires.
Pour déterminer la largeur nécessaire, il faut prendre une mesure transversale du garrot, à l’endroit où le pommeau et l’arcade de l’arçon viendront prendre leur place. Le sellier pourra utiliser un fil de fer, mais les règles souples de dessinateur type « flexicurve » sont tout à fait indiquées pour cet exercice, car plus précises et plus faciles à manier. Il ne reste plus qu’à retirer l’instrument du dos du cheval et à reporter au stylo la mesure sur une feuille de papier un peu rigide. En se basant sur ce dessin, le sellier pourra pré-sélectionner des selles d’une largeur adaptée, tout en tenant compte de l’obligatoire marge entre le garrot et la selle elle-même.
La bonne adéquation
Evidemment, la Nature n’a pas fait si bien les choses que 3 ou 4 largeurs d’arcades suffisent à avoir une adaptation parfaite de la selle au dos du cheval, ni même en 3 ou 4 profils différents. En plus, les chevaux évoluent parfois de façon complètement surprenante d’une saison à l’autre en fonction de leur niveau d’activité.
J’ai vu des chevaux allemands avec des garrots si plats que c’en était suspect, des chevaux en Jamaïque avec un garrot si effilé que la mesure avait la même forme que la Tour Eiffel.
Dire qu’un cheval a une conformation standard alors qu’en fait non, c’est une bêtise. La seule chose censée à faire, c’est de trouver une selle dont la forme est globalement adaptée, et d’éventuellement travailler plus finement sur son adaptation lors de l’essai.
Une adaptation fine, ça peut signifier prendre les mesures du cavalier autant que celles du cheval, et notamment la mesure du fémur qui pourra également déterminer la place du couteau d’étrivière. On en arrivera parfois à devoir fabriquer un arçon spécial, ce qui pourra prendre du temps !
Une fois que le bon arçon est choisi et, si besoin, fabriqué, le sellier devra l’habiller en conséquence. Son habillage sera la plupart du temps déterminé par sa forme de base, et par les mesures prises sur le cheval et sur le cavalier.
En ce qui concerne le cheval, le plus important sera de choisir la forme, la dimension et le rembourrage des panneaux. La forme de l’avant du panneau sera primordiale, de même que l’ouverture et l’épaisseur de l’arrière de ceux-ci. Ca a l’air simple en apparence, mais en fait, ça demande une grande dextérité. Si les panneaux ne sont pas assez remplis, ils s’aplatiront trop vite et rapprocheront dangereusement la selle de la colonne vertébrale. S’ils sont trop remplis, la selle sera trop « rebondissante » et ne restera pas bien en place. Les panneaux doivent reposer de toute leur longueur sur le dos du cheval ; attention aux formes un peu en « banane », soi-disant idéales pour dégager le rein, mais qui en fait réduisent parfois beaucoup trop la surface portante.
Le fitting des panneaux est primordial dans le cas de chevaux dont la conformation diffère grandement des chevaux « normaux », comme les Arabes par exemple, qui ont des dos très courts, des côtes ouvertes, des garrots peu sortis mais peu remplis au niveau des trapèzes. Dans ce genre de cas, l’avant des panneaux d’une selle standard ne reposant pas sur le dos, le poids sera entièrement concentré sur les pointes de l’arçon, et l’on verra rapidement apparaître des gonfles sous l’effet de pressions très importantes à ces endroits.
Je me souviens d’une cavalière qui nous avait gentiment rappelés après l’achat d’une de nos selles, pour nous dire qu’elle n’avait désormais plus besoin de collier de chasse pour maintenir la selle en place ! Tout ça parce qu’elle était désormais propriétaire d’une selle adaptée…
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Bon, vous n'avez pas appris grand chose de nouveau, mais je trouve que cet article résume très bien les principaux critères de choix d'une selle, quand on se décide à acheter.
Et maintenant, regardez bien la date. Une, deux, trois fois : oui oui, 1987. Il y a pratiquement 25 ans jour pour jour. A l'époque, en effet, les Anglais rencontraient pas mal de problèmes en terme de saddle fitting, chose qui 25 ans plus tard a considérablement diminué. Nous, 25 ans plus tard, on en est où?
Toujours au même point. Voilà. Ca, c'est dit.
Et deuxième chose que je voulais relever, le premier paragraphe : Ce pourrait être une généralisation un peu radicale, mais pourtant peu éloignée de la vérité, que de dire que peu de selliers ont une bonne connaissance du cheval. De même, peu de cavaliers savent comment se fabrique une selle, ou comment elle s’adapte au cheval.
C'est tristement et terriblement vrai.
Maintenant, à la rigueur, que les cavaliers ne connaissent pas bien la sellerie, ce n'est pas grave, ce n'est pas leur métier (surtout dans le cas de cavaliers amateurs). Ils doivent pouvoir se reposer sur les compétences de leur sellier. Ce qui signifie donc que le sellier doit suffisamment connaître d'une part sa technique de fabrication et d'adaptation, et d'autre part les chevaux en général et la pratique équestre en particulier, pour être capable d'analyser les besoins du cavalier et de sa monture. Et c'est là le gros problème.
Oh, pas forcément besoin d'être cavalier pour savoir voir les choses (certains excellents juges de dressage ne montent pas à cheval, voire ne sont jamais montés) ; mais il faut avoir une certaine culture vétérinaire, ostéopathique et équestre, savoir juger de la qualité d'une assiette, de la locomotion d'un cheval, ce genre de choses, pour pouvoir prévoir l'évolution du cheval sous la selle. C'est d'ailleurs pour cette raison que Kit, la saddle fitteuse américaine, dans un article que je vous ai traduit l'autre fois, disait recommander aux gens qui venaient lui acheter une selle de travailler leurs chevaux à pied pour qu'ils soient en état de forme correct quand ils veulent une selle.
Bref, un bon sellier, et plus spécifiquement un bon vendeur de selle et saddle fitter, SAURA ce qu'est un cheval (si c'est juste un artisan qui découpe des quartiers à la chaîne ou passe sa journée à bander un arçon - ce qui est le quotidien d'un employé d'une grande sellerie - à la rigueur, lui, il s'en fiche de savoir ce qu'est un cheval, il pourrait aussi bien être employé à fabriquer des sièges de moto, son boulot c'est juste de suivre des patrons...). Un bon saddle fitter / commercial / vendeur devra idéalement connaître les techniques de fabrication d'une selle, et avoir mis les mains à la pâte de temps à autre pour savoir précisément ce qu'il vend. Enfin, ça c'est évidemment l'idéal, et c'est ce que moi je veux faire, perso - après, y a de très bons fitters qui n'ont jamais fait ça, mais pour moi ils ne sont pas allés au bout de leur sujet, c'est tout.
Voilà!
Et comme promis la prochaine fois, une analyse marketing de la sellerie en France VS la sellerie au Royaume-Uni, qui sont deux conceptions différentes...
J'ai hâte que Nicolas vienne me rendre visite, parce qu'avec la taille de mon fessier et le dos d'Ulan, j'ai abandonné l'idée de réussir à le seller seule correctement.