[réédition]
De façon très simple : seller un cheval, à quelques exceptions près, une fois qu'on a compris comment ça fonctionne : c'est plutôt simple. Fournir une selle à un cavalier : c'est extrêmement compliqué.
Plusieurs critères entrent en ligne de compte : la morphologie, la posture, l'aspect psychosomatique, la bobologie ; puis la discipline pratiquée et selon quelle école, le niveau à cheval, le cheval ou les chevaux concerné(s) par la selle en question ; et enfin, les projets (fantasme VS réalité), les susceptibilités extérieures (coach attitrée ou "meilleure copine qu'est trop forte et qui sait tout mieux que tout le monde", camarades d'écurie, potes de concours...), la MODE, etc.
Ah, et le porte-monnaie.
1. Le siège
Souvent, quand on achète une selle, la seule indication de taille côté cavalier que l'on ait, c'est la taille de l'arçon, plus exactement sa longueur, qui donnera grosso modo une indication de la taille du siège. Cette mesure se prend de biais, entre le clou de selle et le centre du troussequin.
Habituellement, on mesure la taille en pouces (inches). Les tailles les plus courantes sont comprises entre 16,5 et 18". Grosso modo, on peut faire coïncider ça avec les tailles standard de pantalon... ainsi, une femme qui s'habille en 40-42 (la taille moyenne des femmes adultes) sera à l'aise dans une 17,5. Mais évidemment, dans la vraie vie, c'est pas si simple. Déjà, certains selliers ont un système de tailles bien à eux. Exemple : Kieffer taille en 1, 2 ou 3 (ça vaut pour certains modèles dressage de Bates aussi, entre autres). Prestige n'a pas de demi-taille. Et puis même : d'un sellier à l'autre, ils n'utilisent pas les mêmes arçons. Donc un 17" chez l'un sera un 16.5" chez un second et un 17.5" chez un troisième. Pourquoi? Parce que tout dépend de l'arçon en lui-même, moulé ou sanglé, plat ou creux, et avec quel habillage dessus. En plus, ça dépend de ce que vous voulez en faire et comment vous allez l'utiliser : si vous aimez être tenu dans votre selle, ou si vous aimez avoir de la place pour bouger dedans.
Petit instant "Elle magazine". Mesdames, les selles, c'est comme les pantalons : si vous êtes rondes mais que vous ne voulez pas l'admettre et que vous prenez une taille de moins juste pour votre ego, au final, non seulement vous serez boudinée, mais en plus, vous monterez mal.
Maintenant, la taille de pantalon et donc la taille du siège ne sont jamais des repères fiables. Ca dépend de votre morphologie générale, surtout. Callipyge ou sylphide, armoire à glace ou jockey, vous ne choisirez pas la même taille, ni même la même forme de siège (creux VS plat, large VS étroit...).
Si vous avez le type "dresseur /-se nordique" toute fin(e) avec des jambes qui n'en finissent pas, dans une selle standard à votre taille vous aurez les jambes qui déborderont par l'avant des quartiers, votre fessier reculera vers le troussequin, et vous serez mal à l'aise.
Si vous êtes un modèle "Petit pimousse" (petit mais costaud!!!), rondelet(te) et court(e) sur pattes, vous prendrez un siège plus grand ; mais sur une selle standard, vos jambes arriveront à peine en bas des quartiers.
Pour résumer : la taille de siège est une indication mais pas un absolu. On la choisit en fonction de là où on est bien. Si votre morphologie sort des standards, alors votre selle aussi (ou vous galérerez à vous habiller en prêt-à-porter). On n'a pas tous la taille mannequin!
Pour les questions de siège creux, semi-creux, plat... c'est d'abord une question de préférence personnelle, ensuite une question anatomique. Une personne corpulente ou au fessier à la Jennifer Lopez sera quand même plus à l'aise sur un siège plat. Un troussequin trop relevé, corollaire du siège creux, poussera le bassin en antéversion, entraînant une lordose exagérée (creusement des vertèbres) et un écrasement peu agréable des parties intimes sur le pommeau. Nous sommes d'accord, nous ne voulons pas cela. Un siège plus plat ou plus long permettra de décambrer le dos et d'engager le bassin dans une position neutre, et pouvoir ainsi jouer de l'antéversion à la rétroversion sans contrainte.
A l'inverse, un petit gabarit léger et sans trop de force dans le dos pourra bénéficier d'un siège plus creux pour être plus calé et renforcer ses effets d'assiette grâce au contact arrière que procure le troussequin plus prononcé.
Restent les paramètres d'enfourchure (plus ou moins large, en fonction de l'angle des fémurs), de largeur du siège (par rapport aux ischions), de dynamique de l'arçon (trop compliqué pour expliquer, ça a trait aux matériaux) et ensuite le travail anatomique : découpes dans l'arçon (Prestige, Sommer, Kieffer...) ou rajout de pièces de mousses spécifiques (Biomer chez Stübben) pour les ischions, du coccyx ou de la symphyse pubienne, que ce soit pour des questions de confort ou pour adresser à des problèmes de santé (le coccyx fêlé ou cassé est fréquent!)
Cela dit, attention à la notion de confort : le moëlleux d'un siège n'en détermine pas le confort, c'est l'adaptation de la forme de l'arçon et du travail du siège en sus à votre anatomie intime qui doivent primer. Si le siège est fondamentalement inadapté mais recouvert d'une couche de mousse épaisse, vous vous sentirez peut-être à l'aise dans l'immédiat, mais dans le fonctionnement à cheval, vous n'allez pas trouver votre place, entrer dans un schéma de compensations et in fine vous risquez de vous faire très mal.
Je renvoie à l'excellent distinguo posé par Emile Brager en termes de "confort de forme" VS "confort de souplesse" : la forme prime.
Il faut toujours se souvenir que le siège n'est que la partie "cavalier" de cette pièce maîtresse de la selle qu'est l'arçon. On doit pouvoir trouver une forme d'arçon qui corresponde à la fois à la forme du dos du cheval et à celle du postérieur de son cavalier. Si l'un doit être privilégié par rapport à l'autre, on aura assez rapidement des problèmes... D'où la nécessaire compatibilité des morphologies du cheval et de son cavalier!
2. Les quartiers
Ci-dessus : Dominique d'Esmé et Carlos Pinto.
Ci dessous : Fabienne Lutkemeier et Edward Gal.
Note : si j'illustre cet article avec des photos de cavaliers de dressage, c'est parce que c'est bien souvent en dressage que l'on voit les adaptations de selles les plus problématiques au niveau du cavalier. Et que l'opposition homme / femme est dépassée en posturologie et donc par rapport au choix de la selle : c'est une question plus vaste et profonde que la seule distinction par le genre...
Lorsque l'on sort physiquement du standard et que l'on veut la selle parfaite, on oublie le prêt-à-porter et on se dirige vers le demi-mesure. Certains selliers proposent donc des tailles de quartiers différentes, avec des avancées plus ou moins prononcées pour les selles d'obstacles, des quartiers plus ou moins longs pour les selles de dress. Forcément et malheureusement, ça coûte tout de suite plus cher de se faire faire sa selle neuve à ses mesures... Sans parler d'une selle sur mesure, on notera quand même des différences d'une marque à l'autre, donc si on n'a pas le budget pour la selle tip top, on en essaie de plusieurs marques différentes pour trouver là où le prêt-à-porter correspond. Ou alors on cherche d'occasion, mais le problème de l'occasion, c'est qu'il faut trouver quelqu'un qui a les mêmes mensurations que soi avec un cheval similaire au sien. Autrement dit, c'est pas du gâteau. Encore une fois (tous en coeur) : "faut essayer".
Après, pour les questions de monoquartier ou pas, c'est très à la mode en ce moment, "ça me rapproche du cheval" en grand argument de vente n°1, tout ça tout ça. C'est basé sur une vision complètement erronnée, qui éloigne le cavalier de l'important, à savoir le choix de l'arçon. Mais ça vaudra un article à part, un jour...
3. Les taquets
Le positionnement et la taille des taquets sont très importants. Ils permettent de donner du soutien à la jambe dans des moments parfois un peu délicats : ainsi le cavalier de dressage qui s'élance sur une diagonale au trot allongé aura besoin d'un appui à l'avant de la cuisse pour réussir à stabiliser son assiette dans cette allure très tape-cul.
Le cavalier de saut d'obstacles, lui, aura besoin de pouvoir bloquer son genou à la réception d'un gros oxer ou sur un pile un peu trop franc, histoire de bien pouvoir redresser son buste pour ne pas se viander lamentablement.
Quant au cavalier de complet, lui, il aura besoin de taquets avant et arrière pour s'aider sur son parcours qui monte, qui descend, qui tourne et qui va vite, d'autant qu'en général il monte avec un siège très plat vu qu'il n'y pose pratiquement jamais les fesses, et tout se jouera pour lui dans les jambes.
En rando ou en endurance, les taquets servent à encaisser les dénivelés et lors de longs galops en suspension, à stabiliser un peu la jambe malgré tout.
Parfois ils ne servent à rien.
Les taquets seront à choisir en fonction de sa morphologie. Si on a des grosses cuisses, on les prendra plus fins que si on a des jambes de sauterelle. Si on a des petites jambes, il faudra qu'ils soient plus courts. Quoi qu'il en soit, il faut qu'ils soient parallèles à la jambe pour ne pas interférer avec son fonctionnement : les taquets doivent aider, pas gêner.
On les choisit aussi en fonction du cheval. Sur un cheval qui est très étroit du devant, on pourra mettre des taquets plus importants, histoire de sentir un peu de "matière" ; en revanche sur un gros cob, les taquets pourront être très fins, vu que les épaules larges et bien musclées permettent d'avoir un peu de contact au niveau du genou! Si le cheval a des allures qui remuent fort, ça peut aussi être utile d'avoir des taquets conséquents, pour se stabiliser ; dans le cas d'un "fauteuil" sur le dos duquel vous pourriez prendre le thé, en revanche, c'est pas bien nécessaire.
Un truc cool : les taquets repositionnables. Au moyen de velcros cousus sur le quartier, on peut avoir plusieurs jeux de taquets et les adapter au cheval et à l'utilisation que l'on va faire de la selle à l'instant T.
4. Et la relation selle / niveau du cavalier dans tout ça?
Avoir une selle spécialisée quand on monte à niveau "amateur cool", c'est pas forcément nécessaire. Une bonne selle mixte permet de travailler sur le plat, d'enchaîner des parcours corrects, est suffisamment confort pour passer plusieurs heures en extérieur. Mieux vaut privilégier une bonne selle mixte, adaptée au cheval comme au cavalier.
Certaines personnes ne vont jurer que par la selle d'obstacle, même pour dressouiller ou promener ; très bien, tant qu'elle est adaptée ! Attention néanmoins, la présence de taquets arrière peut gêner la descente de jambe en dressage.
La selle de dressage est un cas un peu à part, à la mode depuis pas si longtemps. Je ne connais pas précisément son histoire, par qui elle a été inventée et tout, mais grosso modo, chez le cavalier "lambda" qui dressouille vaguement (ou un peu mieux que ça), on ne jure que par elle depuis peu. Elle est apparue dans les années 70 chez les pros, 80 chez les amateurs éclairés, 90 pour le tout venant. Et honnêtement : 9 fois sur 10, elle est très mal choisie et pose de gros problèmes.
Il est vrai qu'une bonne selle de dressage donne l'impression d'avoir ZE position, facilite la descente de jambe, permet de ressentir plus clairement les mouvements du cheval car augmentant la zone de contact rapproché entre le postérieur et les cuisses du cavalier et le dos de son cheval (par rapport à une selle d'obstacle où, la cuisse étant horizontale, elle n'englobe pas la cage thoracique comme avec une selle de dress). Mais elle reste une selle très spécifique, qui est faite pour monter assis avec une articulation coxo-fémorale ouverte et libre, ne permettant que très moyennement une position en équilibre, et encore moins de sauter.
Ainsi sur un jeune cheval, son intérêt est tout limité (puisqu'on monte un jeune plutôt en équilibre, n'est-ce pas), et pour un cavalier polyvalent, elle ne sert pas à grand chose. Alors si on a les moyens, on peut s'acheter deux selles, surtout qu'on trouve des selles bon marché (souvent en synthétique) de bonne qualité, adaptables tant pour le cheval que pour le cavalier au moyen de divers "trucs" (arcade interchangeable et panneaux refittables côté cheval, taquets amovibles côté cavalier). Mais mieux vaut privilégier la mixte si on ne fait pas que du dressage.
En outre, je m'insurge contre cette mode des selles de dressage hyper encadrantes, à grands renforts de sièges ultra creux et de taquets proéminents. Non, tout le monde n'a pas besoin de ce type de selle! D'une part, tout le monde n'a pas le niveau, la morphologie ou le cheval qui justifie ça ; d'autre part, bien trop souvent, elle coince le cavalier dans une fausse position qui n'est pas la sienne, modifiant méchamment son équilibre et risquant de lui faire mal. Quand on n'a pas encore la souplesse nécessaire au niveau de l'articulation coxo-fémorale (la hanche, quoi) pour avoir une descente de jambes parfaite, avoir des taquets monstrueux qui couvrent tout le quartier c'est juste inepte.
En plus, monter avec des étrivières tellement longues que l'on est sur la pointe des pieds sur l'étrier et qu'on crispe les orteils pour ne pas le perdre, c'est stupide. Non, le dressage ne se pratique pas nécessairement avec une jambe quasiment tendue. Pour garder la souplesse nécessaire au bon amorti des mouvements du cheval, les articulations doivent être un minimum pliées pour pouvoir fonctionner. Si elles sont verrouillées en position tendue, raidies, elles ne joueront pas du tout leur rôle. De même, utiliser des taquets énormes pour bloquer la jambe en position "j'ai vu Anky faire ça sur une photo alors je fais pareil", ce n'est pas bon. En réalité, le genou ne devrait pas venir au contact du taquet, c'est la cuisse qui devrait être maintenue pour ne pas avancer. Le genou, étant une articulation, doit pouvoir fonctionner. Attention donc aux selles qui bloquent les genoux...
Madame Playmobil n'a pas une belle position...
La morphologie de chacun est unique, et il ne sert à rien de chercher à avoir la position du voisin. On a tous une position de fonctionnement optimal, et aucune selle au monde ne pourra aller contre. Il faut d'abord travailler, prendre conscience de son corps, apprendre à l'utiliser, et ensuite la selle fera son boulot.