Une fois qu'on a parlé arçon, il est temps de s'intéresser à ce qui habillera l'arçon côté cheval, l'équivalent des panneaux d'une selle classique : les skirts.

Illustrons un peu tous ces termes barbares... copyright http://www.western-saddle-guide.com/

La skirt donc, c'est la grande pièce en cuir doublée de mouton qui se trouve au contact du cheval. Ses fonctions sont de protéger le cheval de l'arçon et de répartir le poids sur son dos, plutôt que d'amortir (il y a une fonction d'amortissement grâce à la doublure mouton, mais rien à voir avec l'amortissement des panneaux d'une selle classique).

Le mouton, parlons-en.
[Jean-Pierre Coffe]La plupart des selliers utilisent du mouton synthétique, et en gros : c'est de la drouille en terme d'amortissement, et ça vieillit très mal. Comme pour les amortisseurs classiques d'ailleurs, si vous voulez un amortisseur moumoute, prenez du vrai mouton. Si vous êtes Brigitte Bardot et que l'idée d'avoir deux animaux morts entre vos fesses et votre cheval vous choque (un mouton + une vache), prenez du synthétique et soyez anti-développement durable avec vos produits dérivés du pétrole. Si vous êtes un croisement de Brigitte Bardot et d'Eva Joly, arrêtez de monter à cheval, ça va contre sa nature profonde... [/Jean-Pierre Coffe].

Revenons à nos moutons (huhu).

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Mes pieds à gauche, ceux d'Aurélie à droite

Voilà la peau de mouton brute qu'Aurélie utilise pour faire ses selles. C'est un mouton entier, et vu la taille de la peau, c'est pas un mini-mouton d'Ouessant, plutôt un mouton à l'américaine, gonflé aux OGM. $70 la peau, quand même (sans compter les frais de douane et tout) (le mouton synthétique, c'est 10€ le mètre, on comprend pourquoi certains s'emmerdent pas à doubler leurs selles avec ça!)

Et c'est bien moëlleux :

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Chaud... douillet...

En comparaison, Aurélie m'a montré une selle à 2 SMIC qui traînait par là mais qui n'était pas doublée en vrai mouton mais en synthétique, eh bien comment dire... c'est pas tout à fait le même confort!

Le mouton, quand il est bien traité à la base, de bonne qualité et bien entretenu, il peut durer 8-10 ans, et après ça c'est mieux de le changer.

D'aucuns pourraient se dire "malgré le mouton, y a pas de panneaux rembourrés, ils sont un peu rudes avec le dos des chevaux les cow-boys". Ben oui mais non. En fait, les bars de l'arçon sont plus larges, de même que la surface portante de façon générale. La surface portante, c'est la surface de la selle qui, en contact avec le dos du cheval, permet d'y répartir les pressions. Sur une selle classique, les panneaux étalent un peu le poids supporté par l'arçon ; sur une selle western, les skirts répartissent le poids supporté par l'arçon sur une surface beaucoup plus importante. L'histoire de la différence entre la lanière du cabas Auchan et la bretelle matelassée du sac à dos Eastpack sur votre épaule, tout ça tout ça. Bon après y a les pads qui jouent plus ou moins sur l'amortissement (nous y reviendrons), mais pour le moment, restons avec notre mouton.

Et si d'aucuns sautent du coq à l'âne, perso j'irai du mouton à la vache. Aurélie m'a dit "en gros, il faut un mouton entier et une vache entière pour faire une selle western complète".

Voilà une demi-vache :

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Voyez le petit bout d'Aurélie en haut, hé ben ça donne une idée de la taille de la bête.

Idem que pour le mouton, la peau vient des Etats Unis. Pour faire des selles western, faut un traitement et surtout un tannage vraiment particulier du cuir, et d'après Aurélie, ce qu'on trouve en France, ce n'est pas du cuir adapté.

Pourquoi faut-il deux demi-vaches pour faire une selle western?
Déjà, c'est autrement plus complexe qu'une selle classique (cf schéma du haut), y a plein de bouts de cuirs qui se baladent dans tous les sens.
D'autre part, une peau de vache, c'est pas partout pareil. C'est plus fin et souple à l'endroit du ventre, plus résistant là où fut un jour le dos (normal : le dos d'une vache, c'est exposé aux intempéries, aux insectes, aux autres vaches...). Donc on ne va pas découper n'importe quelle partie de la selle n'importe où dans la dite peau.

Le skirt est une pièce longue, qui va couvrir tout le dos du cheval. On a besoin d'une certaine rigidité pour que ça contribue à distribuer le poids du cavalier, et pour que ça garde sa forme ; mais à l'avant, il devra être un peu souple quand même pour laisser passer les épaules du cheval. Donc on va le découper dans le dos de la vache, à environ 45° vers le ventre.
Mais y a d'autres pièces qui ont besoin de cette rigidité, comme les fenders, qui doivent être rigides pour ne pas se déformer quand le cavalier met du poids dans les étriers. Ce sont aussi des pièces assez grandes, donc sur une peau, y a pas assez de place pour 2 skirts + 2 fenders (sans parler du reste!). Donc... faut 2 peaux.

Alors, certains font des skirts en deux parties, cousues entre elles. Ca permet d'optimiser un peu au niveau de la découpe des peaux, mais ça ne dispense pas de jouer au Tétris de toute façon. Donc, quitte à faire les choses bien, autant essayer de respecter le truc du skirt en une pièce.

Qui dit 2 côtés au cheval, dit 2 skirts par selle, logique. Autant à l'avant ils sont séparés par le gullet, autant à l'arrière, ils se rejoignent au dessus de la colonne vertébrale pour faire un "pont" qui permettra notamment l'arrimage des sacoches ou du boudin (en mode poor lonesome cowboy, on a forcément un sac de couchage accroché derrière le troussequin). Mais les reins du cheval sont fragiles. Si les deux skirts sont lacés ensemble jusqu'au bout de la selle, ils risquent d'être trop rigides et de venir faire pression sur le rein. C'est pourquoi, souvent, le laçage s'arrête avant la fin :

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(on notera la finesse du travail du cuir, on aime ou on n'aime pas, moi je trouve ça très joli
parce que c'est pas non plus trop chargé, et ça démontre surtout un talent certain)
(c'est l'arrière de la selle perso d'Aurélie, c'est une selle de ranch)

Pour en finir avec la question des skirts, il existe une différence entre round skirts (panneaux ronds) et square skirts (panneaux carrés).

Selle Billy Cook Trail - round skirt

Une autre selle de trail Billy Cook, mais avec des square skirts.

En googlant la chose, je suis tombée sur une page intéressante, avec un petit topo là-dessus dont voici la traduction :

Les selles round skirt recouvrent moins le cheval, le skirt suit la découpe du siège. Elles sont à privilégier pour les dos courts, car une selle square skirt sera souvent trop longues, venant appuyer sur le rein et allant jusqu'à rendre le cheval rétif sous la selle (ruades).

Les selles square skirt sont les selles traditionnelles. Le square skirt servait à protéger le dos et les flancs du cheval lorsque son cavalier y accroche son paquetage (autrefois chez les cowboys, un paquetage pour plusieurs semaines lors de convoyages de bétail). On les utilise encore beaucoup en reining et pleasure, moins en travail de ranch.

Voilà! bon encore une fois c'est du dégrossissage de non-spécialiste, mais c'est surtout pour vous expliquer qu'on n'achète pas une selle western sans savoir précisément ce qui sert à quoi et pourquoi. La prochaine fois, une petite pause dans les westerneries et la traduction d'un article de Kitt sur ce qu'est le métier de saddle fitter au quotidien, qui m'a fait beaucoup rire et m'a préparée à ce qui m'attend dans... plus très longtemps ;-)