Salut! Mon voyage en terres iséroises, à la rencontre d'Aurélie d'AAJ Saddlery, c'était bien, mais comme d'hab quand il s'agit de rencontre entre passionné(e)s : trop court. Je n'y connaissais rien du tout du tout en sellerie western, j'ai eu droit à un chouette cours, avec plein de matos pour me montrer... et maintenant je veux y retourner pour voir la suite!
J'étais pas non plus complètement larguée, parce que l'air de rien, comme dirait ce bon vieux René, "le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" : les Américains ne procèdent pas différemment des "classiques" pour les questions de fitting, les repères sur le cheval sont les mêmes, tout ça tout ça. Certes, un cheval reste un cheval. Certes, la selle western n'est que l'évolution des selles européennes à la sauce barbecue. Certes.
Il en va donc d'une selle western comme d'une selle classique : l'arçon, c'est le squelette.
(au passage, JE SAIS, j'ai toujours pas fait mon article sur la selle sans arçon... mais c'est vraiment un sujet super épineux, et je sais pas comment le traiter... enfin bref, promis j'arrête de me défiler et je le fais bientôt)
Donc ! L'arçon, le squelette.
En western, il a une forme particulière et très reconnaissable, avec un pommeau (fork) très haut et un troussequin (cantle) ... plus ou moins haut en fonction des disciplines (moins haut en reining qu'en trail, par exemple, pour ne pas se le prendre dans les fesses en cas de sliding stop particulièrement réussi).
C'est ça un sliding stop, ça veut tout simplement dire "arrêt glissé" :
le mec arrive comme un ptit fou au galop,et le but du jeu c'est de piler
en faisant les plus longues traces de pneus possibles (en gros)
Comme toutes les selles de travail, cette forme est destinée à être d'une part confortable (on passe de longues heures en selle) et d'autre part très sécurisante (quand faut cutter une vache, des fois faut attacher sa ceinture).
J'aime la tête du mec, bien droit sur sa selle, qui a l'air de
"non mais mais tout va bien, mon cheval a perdu 30 cm au garrot c'est normal"
La corne (horn) sert d'une part à se raccrocher au premier truc qui passe quand ça bouge un peu fort (en cutting, ils les aiment hauts pour bien pouvoir s'accrocher avec toute la main), et d'autre part, à bloquer le lasso quand il faut arrêter un veau lancé pleine balle. C'est pour ça que les horns sur les selles de ranch sont "vachement" plus massives que sur les selles de reining, par exemple.
Sachez avant tout qu'il n'y a AUCUN arçonnier western en Europe. Ils sont tous outre Atlantique...
L'arçon peut être conçu en deux matières :
1. soit un arçon bois qui sera recouvert ensuite de rawhide (peau crue littéralement : c'est du cuir non tanné)
Le but du rawhide, c'est de rigidifier la structure. On voit que le siège est creux, le sellier va pouvoir le travailler à sa convenance, avec des bandes de cuir, éventuellement une plaque en métal (le strainer) selon la méthode qu'il emploie et qu'il martèlera pour donner sa forme, de la résine et des mousses pour le finish des sièges pour fessiers délicats...
Ce sont des arçons soit faits main, sur mesure ; soit d'usine, avec des formes standard (pas possible d'adapter).
Le strainer
Work in progress
Le ground seat terminé
2. sinon, y a les arçons en fibre de verre, qui sont des arçons d'usine. La qualité est variable, parfois bonne comme celle de cet arçon de marque Ralide :
Et parfois, juste, c'est de la drouille :
La rencontre avec un arbre est parfois douloureuse, surtout pour les selles en carton à 500€...
On notera que l'arçon en fibre de verre a déjà le siège fait, par rapport à l'arçon bois qui est creux et où le siège reste à faire.
Cet arçon est plus léger, solide si la qualité est bonne, mais est moins "travaillable" que l'arçon bois. Et surtout, comme il est produit en série, il est standardisé, donc inutilisable sur un cheval hors normes.
Car oui, si en classique on peut renforcer l'adaptation de l'arçon par le flockage des panneaux (qu'on épaissira si l'arçon est un peu grand, par exemple), en western, point de panneaux! Ce sont les skirts, de grandes pièces de cuir épais recouverts de mouton côté cheval, qui servent à étendre la surface portante des bars de l'arçon, et il n'y a rien de retouchable.
Si pour une selle classique l'arçon est primordial, j'ai limite envie de dire que pour une selle western c'est carrément question de vie ou de mort pour le dos de votre cheval.
Comment on détermine si c'est adapté ou pas?
2 paramètres : la largeur du gullet et l'inclinaison des bars. Gullet? Bars? Gné?
En vert : le cantle
Je suis une grande photographe, à n'en pas douter. Donc là on voit bien les bars du Ralide, vu du dessous...
Et là le gullet vu de face, et les bars qui partent sur les côtés.
Si vous avez la chance d'avoir un cheval "standard" d'après les standards de sellerie western, il entrera probablement sans trop de peine dans un arçon d'usine, où il y a une relation proportionnelle entre l'écartement des bars et la largeur du gullet.
Par contre, si vous avez un cheval pas standard, type dos très large MAIS avec du garrot, il vous faudra un arçon sur mesure, à tous les coups... et là, ça casque.
Dites-vous bien que de toute façon, à moins de 1000€, une selle western en cuir neuve ne vaut pas le coup (pour les synthétiques c'est autre chose, il y en a des potables à moins de 1000€... mais 1. ça n'égale de toute façon pas une bonne selle en cuir, et 2. c'est de toute façon du standardisé au niveau de l'arçon).
On trouve des trucs très décents chez certains selliers "usine", type Ghianni Ghiazza, Continental ou Billy Cook, avec des selles en demi-mesure.
Mais bon, clairement, rien n'égale l'oeuvre d'un vrai saddle maker.
Rien n'égale ses prix non plus, je sais, et j'en suis fort peinée. Mais dites-vous bien que rien que la matière première pour fabriquer une selle, c'est au moins 1000€ en classique et 1500 en western (oui y a plus de trucs dedans, plus de cuir surtout, et surtout, ce sont des fournitures spéciales qu'on trouve uniquement aux US...) pour avoir de la came de qualité. S'il n'y a qu'un seul mec qui bosse sur ta selle, tu comptes une trentaine d'heures de boulot / selle en sellerie classique s'il travailles vite et bien et qu'il a le coup de main, en western c'est 50 heures minimum. Aurélie, pour l'instant, tourne entre 15 jours et 3 semaines pour une selle.
Calcule le taux horaire après ça... voilà pourquoi un sellier n'est pas riche!
Il est gentil Bayrou avec son made in France, mais ça coûte la peau du ***...
Edit : Aurélie a réalisé une super vidéo où elle explique tout bien comment ça marche l'arçon!
( chaleurs de chaque côté du garrot, coup de cul, tensions ect)
les points de compressions restent globalement les meme?