[mise à jour : septembre 2016]

Une selle sans sangle, c'est comme un repas sans fromage : pas top. Voire inutile. Donc, quand on achète sa selle, il faut réfléchir à l'achat de la sangle aussi. L'air de rien, c'est pas juste un vague bout de cuir avec des boucles pour arrimer la selle sur le dos de Pompon.

Un petit coup d'oeil aux planches anatomiques pour commencer :

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(c) Gillian Higgins 

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(c) Rod Nikkel Saddle Trees

La sangle comprime la partie caudale du sternum et les côtes (n° 7 à 10 environ), et également les muscles pectoraux ascendants (h) et dentelés (i). Elle aura, par son positionnement, un impact sur la respiration (une sangle trop serrée) et donc directement sur le rythme cardiaque ; et également sur la locomotion, puisque les pectoraux ascendants sont les muscles responsables de la protraction des antérieurs ( = le mouvement de recul). Ainsi une sangle qui comprime trop les pectoraux restreint l'amplitude des antérieurs, et par là même, c'est toute la biomécanique du cheval qui s'en trouve affectée. 

On entend assez fréquemment des histoires de chevaux qui deviennent grincheux, rétifs, et même dangereux au sanglage ; ou vacillent, voire se couchent de tout leur long dès la sangle ajustée. Ce peut être des signes de santé alarmants : sternum vrillé, importants ulcères à l'estomac, conflits de processus épineux, ou encore des côte cassée ou fêlée  (c'est vite arrivé avec un jeu de pré un peu fougueux), donc ne taxez pas immédiatement votre cheval de cinglé, il a peut-être juste mal. Sternum excepté, un ostéopathe n'y peut rien, il faut consulter le vétérinaire et effectuer les examens préconisés (endoscopie, écho ou radiographies). Certes, dans certains cas, c'est aussi simplement la selle qui est mal adaptée et qui, au moment du sanglage, comprime quelque chose qu'il fallait pas - donc le cheval associe la douleur au sanglage même si c'est pas la sangle en elle-même qui pose problème... Quoiqu'il en soit, c'est un signe important et à ne pas négliger!

Le premier choix, en matière de sangle, dépend naturellement de votre selle : elle peut être courte ou longue en fonction des contre-sanglons. De façon assez schématique, une selle monoquartier a un sanglage bas, les selles de dressage à deux quartiers également ; et les selles mixtes et obstacles, un sanglage haut. Mais des fantaisies sont toujours possibles, on trouve parfois trois sanglons longs nécessitant une sangle spéciale, ou une sursangle qui lie les deux quartiers ensemble pour un effet monoquartier. L'inventivité et la créativité sont de mise.

Dans le cas d'un sanglage court, il y a deux choses à vérifier impérativement :
1. que les boucles ne soient pas à même la peau. Deux possibilités à partir de là, soit les sanglons sont doublés côté cheval :

soit ils sont complètement recouverts par une fermeture portefeuille (qui permet d'éviter que les sanglons entrent en contact avec la chaussure du cavalier) :

2. sangle courte certes, mais suffisamment longue pour que les boucles ne soient pas trop basses. Elles doivent arriver une dizaine de centimètres en dessous du quartier. Deux raisons à cela : éviter le contact intempestif de la pointe du coude (olécrane) avec des boucles métalliques ; et surtout, surtout, dégager de toute pression constante le muscle pectoral. La boucle est toujours une zone de surpression : si cette pression est localisée sur un muscle aussi important dans la locomotion que le pectoral, la locomotion s'en retrouve immédiatement affectée. Malheureusement, parfois, les boucles se retrouvent en contact avec l'étrier et gênent l'action à la sangle de la jambe du cavalier... la solution reste à travailler.

Dans le cas d'un sanglage long, se contenter d'une taille appropriée est intéressant. 

Ensuite, il faut choisir la matière. D'emblée, le nylon est à exclure : ça chauffe, ça blesse, ça ne respire pas. Le coton est de plus en plus rare et de moins en moins à la mode. Il a été remplacé, pour les sangles premiers prix, par le néoprène. C'est une solution correcte, ça se lave et sèche facilement et ça blesse peu ; mais il existe plusieurs sortes de néoprène, qui ne sont pas de qualités égales. Le néoprène souple, type combinaison de bodysurf, est très intéressant : les sangles ProChoice, Picasso, Stübben, Kieffer par exemple l'emploient, pour un rapport qualité / prix excellent. Le néoprène "plastique", que l'on trouve chez T de T ou Wintec par exemple, n'est pas mal non plus ; mais il est plus rigide, tend à chauffer plus facilement, et surtout, lorsqu'il vieillit, se craquèle. Certains chevaux n'apprécient pas ce contact, et les plus sensibles d'entre eux peuvent blesser.
Les sangles en cuir n'ont pas particulièrement ma faveur, sauf à être d'extrêmement bonne qualité, avec une âme en mousse suffisamment solide et durable ; en effet, les sangles en cuir de mauvaise qualité se rétractent et durcissent très rapidement. Elles requièrent beaucoup d'entretien, et peu de personnes les nettoient autant qu'elles le devraient, ce qui peut créer rapidement des problèmes cutanés. Ajouter à ça un problème, souvent, d'étroitesse (toutes les pressions sont concentrées au même endroit et cela "cisaille" le muscle pectoral) et de rigidité (donc peu de souplesse).
sangle_cordeLes sangles doublées de peau de mouton sont chères, aussi, et demandent beaucoup d'entretien, mais bon, c'est respirable, c'est idéal pour les peaux fines, ça absorbe bien la sueur... C'est assez peu pratique, mais pourquoi pas.
Les sangles très élastiques, soit complètement élastiques soit en grande partie (les Tixerant, par exemple), peuvent être intéressantes pour certains chevaux. Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi, car l'élasticité tendrait à augmenter la compression de la cage thoracique (surtout quand le cavalier serre comme un boeuf), et de nombreuses personnes abondent en ce sens. Mais j'ai rencontré quelques chevaux qui ne supportaient que ça.
Enfin, les sangles en corde font un retour sensationnel dans mon top of the pop ; j'ai globalement d'excellents résultats avec elles. Elles ne sont pas élastiques et sont difficiles à trouver, surtout en version courte ; mais elles sont larges, et surtout mobiles transversalement. Elles permettent donc un ajustement précis et s'adaptent d'elles-mêmes aux contours de la cage thoracique du cheval. Elles sont lavables en machine, respirantes, et ne blessent pas SI ET SEULEMENT SI la conformation du cheval permet leur usage - car elles sont très larges. Et si on excepte les merdes en nylon, mais qu'on reste bien sur du coton enduit ou du mérinos...

Et quel look <3 (Ingrid Klimke, qui n'utilise que ça avec sa Passier dressage)

La forme de la sangle est également déterminante. On voit de plus en plus de sangles dites anatomiques ou ergonomiques, élargies au sternum et affinées derrière les coudes, c'est plutôt bien dans l'idée.
Mais pour reprendre l'expression de Karin Toetenel (2fithorses, la Néerlandaise du bit fitting), "anatomique par rapport à quoi?", à propos des têtières dans son cas, mais ça vaut pour la sangle aussi. En effet, dit comme ça, c'est juste un argument de vente, et j'ai déjà vu foule de sangles anatomiques pas du tout adaptées à la supposée anatomie qu'elles se devaient d'épouser. Parfois, la plaque sternale n'a juste pas la bonne forme ; parfois l'affinage derrière les coudes est beaucoup trop fin, et on se retrouve avec des ficelles sur les pectoraux. 
Certaines ont des inserts amortissants au niveau du sternum (air, gel, mousse spécifique, voire une grande plaque en caoutchouc - comme la Tixerant), qui agit un petit amortisseur de sternum. Cela semble agréable, pour certains chevaux. On trouve également des sangles asymétriques ou en demi-lune, pour compenser un passage de sangle bizarre, ou pour s'adapter à des contre-sanglons pas tout à fait bien positionnés sur la selle.
Il y a la sangle Fairfax et sa version bon marché, Prolite, qui ont fait tout un patafoin marketingo-scientifique depuis 2012. J'en avais vanté les mérites (surtout des tests de mise au point) dans cet article, ai acheté une Fairfax, en ai vendu quelques unes ; c'est loin d'être aussi révolutionnaire que promis, après quelques années de recul. J'ai été victime du fameux discours marketing : mais en réalité, sa découpe anatomique spécialement mise au point est loin de correspondre à tous les chevaux. Il y a des chevaux à qui cela convient très bien (ceux qui sont bien affutés, en général), mais dès qu'il y a un peu de bidon, les pressions sont reportées sur la tranche arrière de la sangle, donc sur l'extrêmité du sternum... 

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La sangle Stübben Equi-Soft m'a donné plus de satisfaction, même si là encore elle ne correspond pas à tous (mais au moins, Stübben ne garantit aucunement l'adaptabilité universelle). Elle a ceci d'original qu'elle divise les pressions en 3 zones, le sternum et chacun des pectoraux ; et les sanglons indépendants l'un de l'autre permettent un réglage précis sur chacun des contre-sanglons. Mais elle reste large, et il n'y a qu'une seule forme de "plaque", donc si ça va pas, ben, ça va pas. A noter que c'est un brevet racheté par Stübben à un designer, qui travaillait auparavant avec Marjoman. 

Là-dessus je m'en vais vous coller un bout d'article de Kitt, qui développe sur le sujet du passage de sangle du cheval... Pour choisir une selle, vous êtes obligés de tenir compte de la Sainte Trinité : l'arçon, les panneaux, le système de sanglage. Une Sainte Trinité qui peut mener à la perfection, si ce n'était parfois l'existence d'un certain détail... comme l'emplacement et la taille du passage de sangle, qui détermine à la fois le système de sanglage et la forme de la sangle.

Sur certains chevaux, le passage de sangle est idéalement placé, et bien large (en vert sur la photo).

Chez d'autres, c'est un peu moins terrible...

Et chez certains, c'est tout minus, et en plus bien en avant :

Cette jument est foutue comme ça : 

 

Si votre cheval a un beau passage de sangle bien large, vous vous en sortirez avec une selle dotée d'un sanglage classique, comme celle-ci :

Cependant, bon nombre de chevaux présentent un passage de sangle étroit et avancé. Arrimer correctement une selle sur ce type de chevaux, c'est un vrai challenge ; souvent les contre-sanglons sont trop en arrière... comme ici :

Le mouvement de "belly swinging" du cheval va envoyer la selle vers l'avant, la sangle venant se caler juste derrière les coudes à cause du thorax rond. Donc la selle avance, bloque les épaules et entrave le bon fonctionnement de l'avant-main. Il y a parfois même, à cause du déséquilibre engendré, un transfert de poids du cavalier trop important au niveau du troussequin, ce qui bloque complètement le dos du cheval. 

Que faire ?

Le sanglage en pointe d'arçon, s'il est bien orienté, peut être une solution. La première photo montre un sanglage en pointe d'arçon trop orienté vers l'arrière, mais le 2e est OK. 

Certaines selles ont un contre-sanglon arrière mobile, ce qui lui permet de prendre de lui-même la bonne orientation. Sur d'autres, on a le même système avec un velcro en plus, ce qui permet de fixer le bon réglage. 

Sur cette Thorowgood on a plusieurs réglagles possibles, sur le contre-sanglon arrière d'une part, mais aussi sur le contre-sanglon avant (remarquez les petites boucles juste sous le quartier, le contre-sanglon avant peut être positionné de deux façons). 

Cette Black Country offre 5 positionnements possibles, ce qui permet d'affiner l'équilibrage de la selle et de sélectionner précisémment le sanglage que l'on veut. 

J'ajoute quelques remarques de Simone Ravenel (Equimetric) sur le sujet, qui complète assez bien le propos de Kitt : en fonction du sanglon qu'on utilise, la répartition des pressions diffère : on met plus de pression sur l'avant en utilisant les contre-sanglons avant, c'est intéressant pour les chevaux dont les selles avancent ; a contrario, les sanglons arrières seront privilégiés pour une selle qui recule. Enfin, un sanglage V est utile pour une barrique mais un V trop grand contraint l'arrière de la selle, donc peut etre bloquant pour un cheval qui doit s'incurver.

Un bon sellier devra nécessairement tenir compte de ce paramètre, car à de nombreuses reprises, c'est ce qui pêche... mais n'oubliez pas : l'adaptation de l'arçon et des matelassures prime sur le sanglage! (car nombre de personnes cherchent à solutionner leur problème par la sangle ou les contre-sanglons, alors que ça n'est pas le vrai problème...)

Enfin, last but not not least : à plusieurs reprises, des cavaliers m'ont confessé ne pas trop serrer leur sangle pour ne pas gêner leur cheval. Avec une selle qui ne bouge pas et une assiette parfaitement centrée, ça n'est pas un souci. Mais dites-vous bien que si la selle bouge, vrille, avance ou recule dans ce genre de cas, c'est peut-être qu'il faut penser à ajuster tout ça... ;-)