Alors aujourd'hui, un peu d'anatomie avec les chevaux peints.

C'est un truc que je sais pas trop d'où ça vient, j'ai découvert ça en approfondissant mes recherches sur Gerd Heuschmann, l'auteur de Dressage : un jeu de massacre? Bouquin très intéressant qui décortique le système et les méthodes allemandes en dress, mais aussi et plus généralement en jeunes chevaux, avec quelques notions intéressantes type "schwung" ou "cheval marcheur au dos / aux jambes", etc.

Le mec s'est piqué de faire un world tour de conférences en militant activement contre le Rollkür, pis manque de bol, a été pris en photo en train de péter les dents d'un frison dans une attitude ressemblant drôlement au Rollkür. Autant pour la crédibilité. Du coup il s'est fâché avec l'association Xénophon (avec Sir Balkenhol à sa tête, un ex grand champion de dress qui milite pour la légèreté et tout le tralala), et a retourné sa veste en allant se réfugier dans les jupes de sa mère la Fédé allemande (cf ses échanges avec Philippe Karl, assez marrants).

N'en reste pas moins un bouquin à lire pour avoir quelques notions de biomécanique de base, et des drôles de photos de chevaux peints. On y voit notamment les fameuses apophyses vertébrales au niveau du garrot, et comment l'omoplate (ou scapula) se place par rapport au garrot.

painted horse 2

Pour illustrer le recul de la scapula dans les allures :

painted horse 3

Focus :

comparaison

On voit bien l'os qui recule drôlement, et c'est pourquoi il est très important que la selle laisse la place à l'os de passer.

Idem au saut, on voit bien le dos qui fonctionne fort sur cette photo :

painted horse 1

Comment voulez-vous avoir un geste correct sur l'obstacle si la selle ne permet pas à l'omoplate de reculer et aux vertèbres de s'articuler, et donc d'avoir un joli saut, si toutes les articulations sont empêchées de fonctionner? Si la selle pince derrière le garrot, il ne peut pas monter... Voilà.

painted-horse-4

Voilà et là vous voyez le muscle du haut du dos, le muscle extenseur, "longissimus dorsi", qui permet justement l'articulation de la colonne. Voyez sa conformation : pour limiter les points de pression, la selle devra l'épouser sur un maximum de surface pour lui permettre de fonctionner pleinement.

Je rajoute ici le commentaire de Jessica, hyper complémentaire :

Ce qui manque (hélas) sur la cinquième photo, c'est le lien vers la musculature de la nuque qui descend vers les muscles de la mâchoire...

Si on s'imagine ce lien on s'apercoit de la chaîne musculaire qui va de la mâchoire jusqu'en dessous des fesses. Le lien se fait ainsi:
M. masseter (mâchoire) -> M. rectus capitis lateralis -> M. rectus capitis dorsalis -> M. rhomboideus (sur la photo) -> M. longissimus dorsi -> M. glutaeus medius -> M. semitendinosus (Hamstring)
et si on continue vers la pointe des postérieurs: M. interosseus medius.

Résultat: des muscles qui se relient du nez/de la mâchoire jusqu'à pratiquement la pointe des postérieurs. Et après on s'étonne que l'embouchure et la selle influent sur le tout?

Pour illustrer ce fonctionnement du dos, voilà ce que ça donne quand il est étiré au maximum dans la phase de projection du galop (notez les abdos contractés, qui sont les muscles "antagonistes" du dos, c'est à dire qu'ils doivent être contractés pour que le dos soit relâché et vice-versa) :

cross-chevaux

Et dans la phase de contraction, pour permettre aux membres de couvrir un maximum de terrain (abdo biens étirés) :

latice-diane04a

Quiconque a déjà monté à cru a pu ressentir les mouvements des muscles dorsaux de son cheval sous ses fesses... C'est pourquoi  il est vraiment important que la selle PERMETTE ce fonctionnement, sans pincer ou appuyer de façon trop importante, et surtout sur des zones trop restreintes. Plus le poids est distribué, mieux c'est!

A ce sujet, petit topo rapide sur l'incurvation. Vous lirez ou entendrez que l'incurvation des vertèbres thoraciques est impossible, et que la notion d'incurvation en elle-même est une aberration, ce genre de schéma étant erroné :

C'est vrai, dans une certaine mesure, un cheval ne peut pas faire de son corps un arc de cercle parfait. Certaines parties de sa colonne sont plus flexibles que d'autres.
Mais il est absolument faux que l'incurvation de la colonne vertébrale est impossible, elle existe de façon certes minime, mais elle existe. Et c'est par le jeu latéral des grands dorsaux qu'elle est rendue possible (entre autres). Simone Ravenel, de la société Equimetric, qui teste l'adéquation des selles aux dos des chevaux au moyen d'un tapis électronique, m'a confirmé avoir noté des différences de pression d'un panneau à l'autre lorsque les chevaux testés sont incurvés sur le cercle. C'est pourquoi il est important que la gouttière de la selle soit assez large pour permettre les quelques degrés d'angle de flexion latérale du dos, et que l'arçon soit un peu souple latéralement pour suivre de mouvement de contraction / extension.

EDIT : je sais désormais d'où viennent les chevaux peints! c'est une initiative de Gillian Higgins, une Anglaise qui a fondé la société Horses in and out, et qui donne des conférences sur la biomécanique au moyen de ses drôles de chevaux peints, qui permettent aux cavaliers d'apprendre de façon ludique et donc efficace comment fonctionnent leurs montures...