Aaaaah! LE sujet qui fait trembler les petites poonseuses et les marketeux d'Alfagel et autre Bartl... COMMENT? L'amortisseur n'est pas nécessaire? Keu-wa!!! Mais ma moumoute alors j'en fais quoi???
Bon, arrêtons là pour les moqueries.
La première question à se poser c'est : pourquoi utiliser un amortisseur? Sérieusement, pourquoi?
Une selle correctement adaptée se suffit à elle-même. Le rembourrage des panneaux, qu'il soit en laine, en mousse ou en "air", a déjà une vocation d'amortissement. S'ils distribuent régulièrement le poids sans créer de points de compression particuliers et en permettant un fonctionnement idéal de l'épaule, des processus épineux, des muscles, etc. point n'est besoin de chercher à faire "mieux". Un dicton ne dit-il pas que "le mieux est l'ennemi du bien?"
C'est le moment où j'emploie ma métaphore préférée : si une chaussure en cuir vous va parfaitement avec des chaussettes fines, qu'elle épouse délicatement le coup de pied, qu'elle respecte la cambrure de la voûte plantaire, qu'elle est suffisamment large mais pas trop au niveau des orteils, pensez-vous pouvoir la rendre plus confortable en remplacement les chaussettes en coton par des chaussettes de ski? La réponse est évidente : non, bien entendu. Au contraire, le cuir autrefois ajusté est maintenant beaucoup trop serré, vos orteils souffrent, ça pince derrière le talon, c'est insupportable.
Ben c'est pareil pour l'amortisseur. Si la selle va, point besoin d'amortisseur, un tapis qui dégage bien la colonne et basta. D'ailleurs, le tapis est surtout là pour protéger la selle, en théorie ; les Anglais, champions du monde (ou presque) de saddle fitting, ont eu pendant très longtemps pour tradition de ne pas en employer, et posaient la selle à même le dos! Mais le cuir étant fragilisé par la transpiration, il vaut tout de même mieux en mettre un.
Petit aparté sur le tapis de selle. Ceci est un bon tapis :
Non pas que je veuille faire de la pub pour cette marque, c'est juste pour illustrer la bonne coupe au niveau du dos : très dégarroté, qui dégage complètement la colonne en étant bien rentré dans la gouttière de la selle.
L'amortisseur peut néanmoins avoir des qualités : il gomme les petits points de pression et agrandit la surface portante de la selle ; ça peut notamment être utile en CSO, lorsqu'à la réception, le cheval prend un poids énorme derrière les épaules avec l'atterrissage du cavalier sur son dos à lui.
Cette notion de surface portante est très importante : plus la selle a un contact large avec le dos du cheval, plus le poids est réparti. Plus la surface portante est petite, plus le poids est concentré. C'est comme quand on porte un sac de course sur l'épaule : si la lanière du sac est fine, elle vous rentre dans la peau et vous fait mal. Si elle est large, le poids est mieux réparti, c'est plus supportable.
Trop souvent, sur une selle juste voire trop serrée, l'amortisseur ne fait que renforcer les points de pression. Il faut donc s'assurer, si on tient à employer un amortisseur, que les principes d'équilibrage de la selle (qu'on a vu il y a quelques jours) sont respectés : pas de compression, un siège toujours horizontal et des contre-sanglons bien verticaux.
Néanmoins, il en va de l'amortisseur comme du tapis : il faut impérativement qu'il respecte le dos du cheval avec une coupe anatomique qui permet de dégager les apophyses de la colonne. Exit donc tout ce qui ne dégage pas la colonne, et reporte ainsi du poids sur les vertèbres malgré la gouttière de la selle!
Comme pour les panneaux des selles, il existe des amortisseurs en matières différentes : mouton, gel, mousse classique ou à mémoire de forme, billes de liège.
Je ne sais pas ce que valent les trucs à mémoire de forme, je n'ai pas eu spécialement de retour dessus. J'imagine que s'ils sont bien coupés, ils peuvent être pas mal? A moins de souffrir de l'un des 200 000 maux des amortisseurs en gel, qui est le poids trop important pour bien rester rentré dans la gouttière.
Les 199 999 autres maux des amortisseurs en gel sont en fait au nombre de 3 : déjà, trouver un gel qui ait une gouttière, c'est mort. Donc c'est pas la peine. Et comme si ça suffisait pas, outre son anti-anatomicité (ouais, bon, je sais pas si ça se dit comme ça), il n'est pas du tout respirant donc chauffe désagréablement le dos du cheval ; et last but not least, il ne possède pas en fait de véritable propriété amortissante. En effet, pour être amortissant, une matière doit pouvoir se déformer. Le gel ne se déforme pas, il déplace les pressions à côté de la pression d'origine. Exit donc le gel.
Addendum de la part de Valilith, sur le forum Al Hfifa Arabians au sujet des amortisseurs gel : le gel amortit les sensations et brouille les infos transmises par l'assiette du cavalier.
Je m'explique : Je montais ma jument dès le départ avec un amortisseur, gel, pensant bien faire pour lui protéger le dos. Ma jument était très "instable" au galop en extérieur, à planter des poireaux toutes les 2 minutes... Un jour, une amie m'a fait remarquer qu'elle ne montait pas avec un amortisseur de ce type parce qu'elle ne sentait pas bien le cheval. J'ai enlevé l'amortisseur et comme par miracle, beaucoup moins de poireaux (bon, pas plus du tout, c'est une dsa, bon sang ne saurait mentir, il ne faut pas éxagérer).
Pour les amortisseurs en mousse (type néoprène), il faut impérativement là aussi que la coupe soit anatomique, et la mousse suffisamment dense pour avoir un intérêt quelconque tout en n'étant pas trop épaisse pour ne pas fausser l'équilibre général de la selle en rajoutant de nouveaux points de pression.
L'amortisseur en billes de liège est très rare. C'est un truc que j'avais testé quand j'essayais des selles sans arçon en Angleterre, en France c'est vraiment introuvable. C'était très intéressant comme concept : le liège est une matière respirante, qui absorbe la transpiration. Les billes (qui sont vraiment toutes petites) se baladent librement dans deux poches, jointes par une couture centrale qui dégage la colonne. Elles se placent d'elles-mêmes sur le dos du cheval et permettent une adaptation au plus proche. Une fois la séance finie, une secousse et elles se "libèrent", prêtes à se mouler sur le dos d'un autre cheval. C'est un amortisseur assez épais, qui se tasse beaucoup dans la durée, donc demande plusieurs resanglages. Mais les résultats étaient intéressants avec la sans arçon, j'aurais aimé le tester avec une selle à arçon pour voir. (ARTICLE A VENIR SUR LE SUJET)
Reste le mouton. Le mouton est excellent quand il est naturel, car hypoallergénique et très respirant. Il se déforme bien et a de réelles propriétés amortissantes. C'est probablement la matière la plus intéressante de toutes. Néanmoins, il FAUT là encore avoir une découpe anatomique, et surtout, surtout : une gouttière, ou "canal ouvert" comme disent certains. La plupart de ceux que l'on trouve en magasin en sont dépourvus... Après, le problème que j'ai personnellement avec le mouton, c'est que je trouve ça trop épais, ça éloigne carrément du cheval.
On peut ruser en utilisant un tapis à amortisseur intégré ; il s'en développe de plus en plus et de très bonnes factures chez des marques comme Haf, Mattes, Toklat... Ces tapis sont chers, mais valent le coup, en offrant une surface portante agrandie et intégrée au tapis, donc moins de risque de sur-épaisseur, de désolidarisation entre les différentes couches et donc mal placées, etc. (je possède personnellement un Haf, je ferai un article à ce sujet précis également).
Voici un topo d'Equimetric sur le sujet. Lisez toute la page tant que vous y êtes, c'est passionnant!
Dernier point : il convient de souligner une propriété très intéressante des amortisseurs... enfin des pads intermédiaires que l'on place entre le tapis et la selle, et qui ne sont pas nécessairement des amortisseurs, en fait, mais des correcteurs. Certains ont une vocation purement d'équilibrage, pour pallier une selle un peu grande ou à une dissymétrie importante du cheval. Wintec en fait des préformés, et le système le plus intéressant à ma connaissance, c'est le Mattes Correction system, qui est muni de 4 poches et qui permet d'équilibrer la selle en fonction. Ca peut être utile si le cheval a eu un mois d'arrêt, s'est un peu démusclé, et que la selle lui est un peu grande. Le temps qu'il se remuscle, on rajoute le pad correcteur, et on le vire le jour où le dos a retrouvé sa musculature habituelle. Kit a écrit un article bien développé et illustré sur ces questions de corrections avec des pads, je vous le traduirai un de ces jour.
NB : Je tiens à signaler 2 articles sur le sujet de la sellerie parus dans le webzine Cheval Savoir, l'un écrit par Marie Thomsen (sellerie Allures) sur "une selle qui va" et l'autre sur les amortisseurs en gel "pour ou contre". Par contre faut être abonné pour avoir accès à l'ensemble du premier article, où vous n'aurez qu'1/3 de celui-ci. Mais ce que MT y écrit, vous l'aurez également dans la partie "Conseils" du site Allures.
Bon! Parler de mouton m'a donné envie de côtelettes.