La raison pour laquelle les selles sont faites comme elles sont, c'est parce qu'elles tentent de répondre à une contrainte posée par la conformation et l'anatomie du dos du cheval. Depuis les premiers designs de selles il y a plus de 2000 ans jusqu'à aujourd'hui, l'humain a toujours cherché, d'abord de façon empirique puis en s'appuyant sur les connaissances apportées par la science, à préserver le dos de sa monture. C'est ce qu'on appelle une démarche ergonomique ;-)

Et donc, avant de commencer à se poser la question des critères d'une selle adaptée, il faut d'abord se poser la question de "à quoi la selle doit-elle être adaptée?"

Ici on ne parlera pas de question de conformation, parce que la conformation c'est quelque chose de propre à l'organisation extérieure du corps. Là, on va parler des constantes anatomiques, de ce qu'on retrouve chez absolument tous les chevaux, et qui déterminent les éléments nécessaires à la conception de la selle (les questions de conformation, elles, influeront sur le réglage de ces différents éléments, saisissez la nuance?)

Donc ! sous la selle, vous avez des os, des muscles, quelques nerfs et tendons, tout ça quoi. Les éléments de base d'un mammifère. 

 

squelette2

squelettemurdoch1

Les structures osseuses directement concernées par notre séant sont :
- Les omoplates (ou scapula) posent la limite avant de la selle. Elles font partie des membres antérieurs, desquels nous devons nous écarter si nous voulons préserver au mieux la locomotion de notre cheval. Ben ouais, tu bloques un bout, tu bloques le reste. Cf l'article sur la place de la selle.
- La colonne vertébrale, enfin son segment dorsal ou thoracique (composé de 17 à 18 vertèbres), et plus spécifiquement les apophyses des vertèbres dorsales qui affleurent sous la peau (ce que l'on sent quand on palpe le dos du cheval), aussi appelé processus épineux. Aaaaaah ce fameux processus épineux, zone conflictuelle s'il en est - lire ici et . Et derrière, il y a les vertèbres lombaires, et la selle ne doit pas transférer de pressions sur les lombaires à cause de ses processus transverses, sinon, on bloque les mouvements de l'arrière-main.
- Les côtes. Enfin, la cage thoracique, dans son ensemble, depuis ses insertions sur les corps vertébraux thoraciques jusqu'à son autre point d'insertion : le sternum. A noter qu'il existe des côtes sternales qui s'y rattachent directement par des liaisons osseuses, et des côtes asternales qui ne s'y rattachent que par des liaisons cartilagineuses, mais que le cheval n'a pas de vraies côtes flottantes comme l'humain. 

Un principe de base à retenir : le processus épineux doit être absolument libre de tout contact. Inconditionnellement. Les apophyses sont extrêmement sensibles et fragiles d'une part (ça casse comme de rien), et d'autre part, quand le cheval bouge, elles aussi. Or rappelez-vous : tu bloques un bout = tu bloques tout le reste. Les coincer, c'est empêcher le cheval de se déplacer librement dans un premier temps, et risquer de lui faire mal. 

Ensuite, ce qui tient tout ça : les tendons et les ligaments. Vous faites la diff entre les deux? Les ligaments, ce sont les "cordes" qui relient deux os entre eux et qui déterminent le sens et l'amplitude d'ouverture et de fermeture de l'articulation. Les tendons, eux, ce sont les extrémités fibreuses des muscles qui s'insèrent sur les os et qui, par contraction concentrique ou excentrique des dits muscles, mettent en jeu les articulations. En gros.

denoix2001back

Au niveau du dos, il y a UN ligament qui est particulièrement vital, c'est le ligement supra-épineux, qui comme son nom l'indique passe au-dessus du processus épineux, et qui est le prolongement du ligament nucchal (qui lui est sur les cervicales). Au moindre frottement répété dessus, il peut vite devenir très douloureux (et je vous renvoie à cet article où j'en détaille les pathologies). C'est lui qui ouvre et ferme le processus épineux comme un éventail par le dessus, et qui contribue grandement au Graal de beaucoup de cavaliers : LA MONTEE DU DOS. Il y a aussi les ligaments para-spinaux, qui sont de part et d'autre du processus. Alors soyez sympa, laissez-le faire son travail et dégagez-le bien ;-)

(c) illustration : Pr. Denoix, 2001

C'est pourquoi on bannit les amortisseurs et les tapis sans découpe centrale qui permette de suivre la ligne du dos en étant rentrés de tout leur long dans la gouttière de la selle, et que cette gouttière de la selle doit être d'une largeur et d'une profondeur adaptée au rachis du cheval que vous avez devant vous. On parle classiquement de 3 doigts de large pour un bonhomme, 4 doigts fins de demoiselle, pour jauger correctement d'une largeur de gouttière. Bon, en gros : ça dépend, mais un processus épineux mesure entre 7 et 14cm de large, donc tout ce qui est plus étroit ou plus large c'est niet, et tout ce qu'il y a entre les 2 devra être adapté à la mesure du cheval en présence. Pas compliqué ;-)

Pour aller plus loin : une vidéo en anglais avec une véto qui parle avec un cheval peint et une autre vidéo en anglais d'un véto qui opère les CPE.

Entre deux processus épineux, vous avez aussi des sorties nerveuses (puisque dans la colonne vertébrale du cheval, il y a la moelle épinière) : c'est ce qui fait que quand vous pincez ou appuyez un peu fort sur les côtés du processus épineux, le cheval a un geste réflexe de creuser le dos, sans nécessairement avoir mal. Quand il a mal, ça s'accompagne de signaux de douleur comme la queue qui fouaille, les oreilles qui se couchent, voire des manifestations d'agressivité.
Bien entendu, si vous faites cette palpation, allez-y gentiment : on voit tellement de gros débiles qui rentrent tous ongles en avant en appuyant comme pour se péter un gros point noir enkysté, EVIDEMMENT LE CHEVAL IL VA AVOIR MAL CRETIN! Nan, ça c'est du viol et c'est pas gentil. 

Et puis il y a les muscles. Deux types de muscles : les musclecarrés des lombes), mais aussi les muscles du soutien de l'avant-main (pectoraux, trapèzes, tricepcs, dentelés) et les fléchisseurs du bassin (ilio-psoas en chef de file). s profonds, qui déterminent la posture du cheval (lire ici et ), et les muscles superficiels, qui activent les articulations et permettent les mouvements amples et explosifs. La selle et la sangle concernent les deux groupes de muscles, notamment tous ceux de la "masse commune" (longs et grands dorsaux, spinalis, multifides, carrés des lombes), mais aussi, par extension, les muscles du soutien de l'avant-main (pectoraux, trapèzes, tricepcs, dentelés) et les fléchisseurs du bassin (ilio-psoas en chef de file). 

coolness

Toute pression irrégulière le long de ces muscles engendrera un phénomène de contraction localisée en réponse, et une altération du fonctionnement du muscle dans son ensemble. Ceci impactera les fonctionnements articulaires aux deux extrémités du muscle, et réduira d'autant le mouvement. Les réponses des tissus seront ensuite variées : hyper- ou atrophie, contusions, courbatures, contractures... Et le recrutement plus prononcé de certains groupes musculaires en réponse à la démission d'autres groupes mènera inévitablement à des phénomènes de compensation nuisant à l'harmonie du fonctionnement général du corps, et aboutissant éventuellement à des blessures de type tendinite.

=> La selle doit donc reposer de façon homogène sur le haut des côtes par le truchement des muscles dorsaux, en dégageant les omoplates, le processus épineux, et les lombaires. 

HP-Gerade-Rücken

(c) SaddleFit4Life
La zone d'appui de la selle est indiquée par le rectangle + le quadrilatère bizarre devant.